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Egypte : la politique socio-économique des Frères musulmans
Article mis en ligne le 29 janvier 2013

Dans cette présentation, je ferai une brève introduction sur les politiques économiques et sociales menées par le régime des Frères musulmans actuellement au pouvoir en Egypte. Cela à travers le suivi de leur programme et de leurs discours, ainsi que de leurs initiatives au cours de l’année 2012. Cette vision est plus qu’économique, puisqu’elle donne un aperçu de la situation actuelle et de sa relation étroite avec l’ancien régime de Moubarak. La question qu’on peut se poser : quelles sont les principales caractéristiques et les grandes lignes des politiques économiques et sociales adoptées par le président Morsi ? Quelles sont les similitudes et les différences entre ces dernières et celles de l’ancien président Moubarak ?

Le programme présenté par Morsi lors de sa candidature à la présidentielle était basé sur les grandes lignes du système néolibéral. Il défendait en effet la poursuite des politiques de privatisation dans les secteurs de l’éducation, de la santé, des transports et de l’énergie (électricité). C’était également le seul programme à encourager les investissements étrangers dans les infrastructures principales (environ 200 milliards de dollars sur quatre ans) et la libéralisation centralisée des échanges commerciaux. (...)

(les) projets de partenariat entre les secteurs public et privé visent, selon la volonté des Frères musulmans, à la privatisation des services publics vitaux tels que l’eau, l’électricité, l’assainissement des eaux usées ou l’eau potable. C’est une privatisation approfondie dans le sens de la redistribution des richesses de la société en faveur des « hommes d’affaires des Frères musulmans », appelés les 1% des Frères musulmans par Wael Gamal [journaliste connu, on peut trouver un entretien avec lui sur la justice sociale en Egypte sur le site Jadaliyya en date du 10 juin 2011]. (...)

L’esprit de la révolution avait amené un groupe de citoyens à lancer une campagne populaire pour en finir avec les dettes égyptiennes, qui pèsent sur le quotidien des citoyens égyptiens, à travers un audit populaire de la dette publique. En dépit des difficultés rencontrées par ce groupe pour obtenir gain de cause – en particulier face à l’entêtement de l’Etat qui ignore leurs revendications et considère que cette compagne salit l’image du pays – ce groupe continue son combat et appelle à trouver d’autres solutions alternatives pour combler le déficit budgétaire du pays.

Depuis la chute du régime de Moubarak, des visites de plusieurs délégations de la Banque européenne pour la reconstruction, du FMI et de la Banque mondiale se sont multipliées en Egypte. En effet, malgré que ces délégations aient assoupli leurs exigences après la signature de l’accord préliminaire sur un prêt du FMI à l’Egypte [pour un montant de 4,8 milliards de dollars] – quelques semaines après l’élection du président Morsi – ces visites ne se sont pas interrompues. (...)

« Le prêt est l’unique solution au déficit budgétaire permanent », dit le ministre des Finances, Hicham Kandil, qui affirme qu’aucune alternative ne pourrait être efficace pour le combler. C’est la raison pour laquelle le pouvoir continue les négociations avec le FMI et veut trouver un « consensus social » sur cette question. (...)

le prêt du Fonds monétaire international (4,8 milliards de dollars), les rapports de négociations entre l’équipe égyptienne et le FMI indiquent l’obligation de mettre en œuvre deux politiques essentielles.
 En premier lieu celle «  d’accroître l’efficacité des dépenses publiques » en « résistant aux pressions pour augmenter les dépenses publiques », en particulier « la réduction des coûts de subvention » [biens de consommation, etc.].
 La deuxième politique a trait à « l’augmentation des revenus de l’Etat, en particulier à travers le développement de l’impôt, en élargissant le domaine de la TVA (taxe sur la valeur ajoutée) avec l’augmentation du nombre de produits taxés (50 produits) ». Le rapport souligne, dans sa quatrième page, l’obligation d’appliquer pleinement et durablement la TVA (cf. Mahinur Badri, Centre égyptien pour les droits économiques et sociaux).

Par ailleurs, le gouvernement reçoit au cours du mois de janvier 2013 une subvention d’un milliard dollars du Qatar, en plus d’un dépôt (réserve de trésorerie) de 2 milliards de dollars [certaines sources indiquent le chiffre de 4 milliards], déposé auprès de la Banque centrale égyptienne pour soutenir sa réserve monétaire. Cependant, hormis le communiqué de presse final sur la rencontre entre Cheikh Hamad bin Jassin bin Jabor Al-Thani, premier ministre du Qatar, et le président Morsi, le 8 janvier, aucune information détaillée n’existe sur cet accord. (...)

Il semble que les rêves d’un changement radical et d’un avenir meilleur après la révolution qui a eu lieu en Egypte et le combat mené pour apporter ces changements dans la structure du système fiscal du pays restent insaisissables. (...)

pour réduire ses charges, le gouvernement a opté pour la réduction des dépenses publiques dans les secteurs de la santé, de l’éducation et des autres services publics, qui se trouvent déjà dans un état pitoyable. (...)

En analysant les politiques mises en œuvre, sans tenir compte des discours, on constatera que, depuis son accession au pouvoir, Morsi a donné la priorité à l’augmentation des salaires et des retraites des forces armées, de la police et des professeurs des universités. Ce qui montre que ces catégories sont les plus importantes et les plus privilégiées par le gouvernement. Cela sans oublier les hommes d’affaires dont le gouvernement veille à protéger les intérêts, en acceptant, avant son élection, de ne pas leur appliquer un impôt sur le revenu, ni sur les plus-values ou sur la fortune. Le gouvernement s’est engagé en effet à n’adopter aucune politique fiscale ou mesures qui seraient incompatibles avec leurs intérêts, même si un consensus national est en jeu. (...)

Les marginalisés sont les ouvriers, les paysans, les travailleurs dans le secteur informel et les habitants des bidonvilles et à la périphérie éloignée des grandes villes. Au plan politique, l’objectif est qu’ils acceptent la « transition démocratique » qui ne consiste, en réalité, qu’en un vote tous les quatre ans.

Parmi eux, un secteur de jeunes rêve de justice sociale et pas seulement d’une marge de liberté. Ils font partie des 8 millions de chômeurs, qui représentent 25% de la population active. Ces secteurs sociaux sont largement exclus des services de la santé, de l’éducation et n’ont pas accès à l’eau potable, à l’évacuation des eaux usées et aux transports publics (...)

Conclusion

Le gouvernement est revenu aux anciennes politiques économiques, sociales et le peuple s’est retourné contre le gouvernement, en multipliant les protestations.

En général, les caractéristiques de la vision économique du nouvel Etat peuvent se résumer en six points :

1° Tout d’abord, l’idéologie économique de l’Etat est toujours le néolibéralisme économique et la continuité de l’économie de marché.

2° L’expansion des modèles d’investissement étrangers, surtout d’élargissement des investissements du secteur privé mondial (pour l’essentiel en provenance du Golfe).

3° La reprise de la privatisation des actifs de l’État, la limitation du rôle de l’Etat dans l’économie.

4° La réduction des dépenses publiques, l’augmentation des impôts directs et indirects ainsi que la réduction du soutien aux services sociaux.

5° Le maintien des positions économique de l’armée dans le cadre d’un accord qui lui a fait céder une partie effective de son pouvoir politique.

6° Et enfin donner une teinte islamique à l’économie néolibérale pour la protéger et pour lui donner un statut populaire.