
Six journalistes britanniques, dont les noms figurent dans un fichier antiterroriste sur les « extrémistes intérieurs », attaquent Scotland Yard et réclament l’effacement des données les concernant.
En cherchant les mots « reporter », « journaliste », « photojournaliste » et « photographe » dans une base de données confidentielle, le Times est tombé sur plus de 2 000 résultats.
Pour récupérer ce fichier de police alimenté par une unité antiterroriste de Scotland Yard et consacré à « l’extrémisme intérieur », le quotidien britannique avait fait valoir la loi sur l’accès à l’information. Le 11 novembre, il a consacré un article (payant) à ces journalistes fichés : (...)
A la suite de ces révélations, six journalistes de presse nationale, dont cinq avaient déjà gagné des procès contre la police pour des contrôles injustifiés ou des violences dans l’exercice de leur métier, ont décidé d’attaquer Scotland Yard en justice pour faire valoir leurs droits.
Il faut dire que ces derniers mois, la Grande-Bretagne a connu plusieurs scandales du même genre, où l’extension des pouvoirs de surveillance facilitée par les lois antiterroristes a visé la presse et ses sources. (...)
Soutenus par le Syndicat national des journalistes (National Union of Journalists, NUJ) dont ils sont membres, les six journalistes réclament l’effacement des données les concernant, que certains ont obtenues après des années d’acharnement : (...)
D’après la Press Gazette, citant « une source proche du dossier », Scotland Yard « détient aussi des dossiers sur les journalistes qui écrivent sur la police ». (...)
Dès le 11 novembre, le chef de la police de Londres, Bernard Hogan-Howe, a affirmé devant une commission parlementaire que Scotland Yard « ne ciblait pas » les journalistes. C’est vrai qu’ils ne sont pas les seuls dans la base des « extrémistes intérieurs », loin de là : environ 9 000 individus, dont beaucoup n’avaient pas de casier judiciaire, y possédaient une fiche nominative en 2013.
Chris Jones appartient à l’ONG de défense des libertés publiques Statewatch, qui a plusieurs fois alerté l’opinion sur le fichage abusif. Il commente par e-mail :
« Il est devenu évident qu’un concept aussi insaisissable que “l’extrémisme intérieur” facilite grandement la collecte d’informations sur toutes sortes de gens, qu’ils soient journalistes, politiciens ou contestataires.
Malheureusement, l’usage de cette idée est désormais bien établi au sein de la police et il faudra du temps pour faire évoluer les choses. » (...)
Et en France ?
En France, contrairement à 75 pays dans le monde dont la Grande-Bretagne, il n’existe aucune loi à l’accès à l’information. La Commission d’accès aux documents administratifs (Cada), qui reste sous-utilisée, permet tout de même de débloquer certaines situations.
Comme le racontait Rue89 en 2013, certains journalistes ont ainsi réussi à obtenir des données très éclairantes sur l’activité de Pôle emploi ou les comptes de campagne de Nicolas Sarkozy. Mais dans bien des cas, l’administration concernée ne se plie pas à la décision de cette autorité indépendante.
En ce qui concerne les fichiers de police et de gendarmerie, c’est la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) qui est compétente pour répondre aux particuliers. Elle donne en partie satisfaction, pour un nombre restreint de fichiers, et à condition d’être patient. (...)