
“Si l’esclavage n’est pas mauvais, alors rien n’est mauvais” (Abraham Lincoln). L’idée même que l’esclavage subsiste au XXIème siècle paraît invraisemblable. Il touche pourtant des millions de personnes dans sa forme traditionnelle. Les deux témoignages qui suivent illustrent les conditions de vie de l’esclave aujourd’hui.
Le capitalisme est passé de l’exploitation du travail servile à celle de prolétariats salariés… Mais, en Mauritanie, par exemple, selon des spécialistes, entre 50% et 60% des 3,4 millions d’habitantEs sont soit esclaves soit affranchiEs – un statut loin d’être celui d’un homme ou d’une femme libre ! Et ceux qui sont ainsi “propriétaires” d’autres personnes sont également ceux qui tiennent les rênes et leviers du pouvoir, en place depuis des siècles. Paradoxe, en 1673, c’est de Mauritanie qu’a pris son envol un mouvement d’émancipation contre l’esclavage, essentiellement musulman. (...)
Pour lui tout cela prit fin le jour où il s’est enfui, marchant sur des routes goudronnées jusqu’à Nouakchott, à une date qu’il connaît cette fois. C’était dans la Mauritanie d’aujourd’hui. Sa mère, son père, sa sœur, son frère sont esclaves. Il a été esclave jusqu’à sa fuite vers la France en passant par l’Espagne, illégalement, sans papiers. Le statut de réfugié lui a été refusé. Il ne peut retourner dans un pays où il reste esclave, condamné à vivre clandestinement, craignant à tout instant qu’on lui demande ses “papiers” d’homme libre qu’il n’a pas. (...)
M. Biram Ould Dah Ould Abeid, juriste mauritanien, membre de SOS Esclaves en Mauritanie (3), enfant d’affranchis et donc considéré comme affranchi, appartenant donc à une catégorie sociale méprisée, dressait un tableau précis d’une situation abominable “occultée”. L’esclavage perdure en dépit de lois mauritaniennes, votées pour l’abolir ou le criminaliser. Des lois votées – non appliquées ! – “pour faire plaisir à l’occident” ( ?), selon l’ancien diplomate Mohamed Yahya Ould Ciré, lui-même enfant d’affranchis. Il semble peu probable que les “propriétaires” d’esclaves renoncent à cette force de travail quasiment gratuite. Les remarques des organismes internationaux, en France, … sont parfois écoutées, mais sans résultats : enjeux trop importants, soutiens d’autres pays esclavagistes trop puissants. Biram Ould Dah Ould Abeid estime qu’il y a eu “instrumentalisation de la colonisation aussi, la France s’étant arrangée pour tolérer l’esclavage et fermer l’œil sur ce phénomène.”
Ce n’est pas marginal : il y a entre 300.000 et 500.000 esclaves en Mauritanie, entre 1.200.000 et 1.500.000 affranchiEs. (...)
L’esclavage perdure en Mauritanie, mais aussi “dans toutes les régions en contact avec les Arabo-berbères, comme au Niger, au Soudan, au Tchad et bien d’autres pays”. Et selon le Comité Contre l’Esclavage Moderne (4) des dizaines de millions de personnes sont victimes de diverses formes d’esclavage moderne, principalement en Asie et en Afrique, l’Europe et l’Amérique n’étant pas épargnées. (...)