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Le Monde
Eva Joly : « Dans un dossier qui demandait la pondération, Eric Dupond-Moretti a choisi la brutalité »
Article mis en ligne le 28 septembre 2020

En ordonnant une enquête sur trois des magistrats du Parquet national financier, le garde des sceaux foule au pied le principe fondamental de la séparation des pouvoirs et mine une institution dont l’efficacité en matière de délinquance financière dérange, estime l’avocate dans une tribune au « Monde ».

Tribune.

Avocat, Eric Dupond-Moretti ferraillait avec les magistrats du Parquet national financier (PNF). Devenu ministre de la justice, il bénéficie à présent de « remontées d’informations » sur des dossiers qui lui sont très familiers.

Alors qu’il ordonne une enquête sur trois des magistrats du PNF, à l’occasion d’une enquête préliminaire conclue par un classement sans suite, comment échapper à l’idée qu’Eric Dupond-Moretti, garde des sceaux, vient au secours de maître Dupond-Moretti avocat ? (...)

Une mise en perspective s’impose. J’ai connu le temps où la délinquance financière restait largement impunie. Puis, dans les années 1990, certaines enquêtes ont abouti à des condamnations sévères. C’était nouveau. Nous travaillions alors comme nous le pouvions, dans des locaux minuscules, sans équipements, avec une section financière du parquet de Paris en grave sous-effectif. Aussi la création en 1999 du pôle financier, ancêtre du PNF, regroupant les juges et les parquetiers, rue des Italiens, à Paris, fut-elle un grand progrès. Des années plus tard, le gouvernement Hollande n’eut politiquement pas d’autre choix, face à la magnitude du scandale Cahuzac, que de renforcer les moyens de lutte contre la corruption et la grande délinquance financière et fiscale en créant le Parquet national financier.

Depuis 2014, l’action du PNF a rapporté pas moins de 9,9 milliards d’euros au Trésor public. Du jamais-vu en France pour quelque institution que ce soit. (...)

Ces montants proviennent notamment de la lutte contre la grande délinquance financière, la corruption et autres infractions à la probité (procédures Guéant, Fillon, Airbus), la fraude fiscale et le blanchiment de fraude fiscale, la fraude à la taxe carbone (les affaires HSBC, Google, UBS, Dassault, Balkany, Cahuzac), les biens mal acquis (procédures Obiang, Al-Assad). Ils sont autant d’exemples de l’intérêt et de l’efficacité de ce parquet spécialisé dirigé jusqu’en juin 2019 par Eliane Houlette, aujourd’hui dans le collimateur de l’actuel garde des sceaux.