
Les 15 et 22 mars prochains, les quelques 36.000 communes françaises renouvelleront leur conseil municipal. Si les communes et les intercommunalités n’ont pas tous les leviers pour agir en faveur de la transition écologique, elles sont cependant bien outillées. Dans ce dossier fouillé, Reporterre propose un « kit » de ce que peuvent – ou pas – les communes en matière écolo. Maires, candidats, citoyens, c’est à vous d’agir, maintenant !
(...) Ulysse Blau, qui est parti à vélo à la rencontre d’une soixantaine d’édiles du Calvados en 2019, enchérit : « Le maire a un pouvoir immense, la limite de son pouvoir est là où il la pose. » Lors de son périple, il a demandé à chaque élu les actions qu’il avait entreprises et celles qui lui avaient paru impossibles à mettre en œuvre. Production d’énergie renouvelable locale, maintien de commerces de proximité… Conclusion : « Tout ce qui m’avait été listé comme impossible par certains avait été réalisé par d’autres. Certains maires font des choses que d’autres pensent infaisables. »
Attention à ne pas surestimer l’importance de l’échelon local, souligne néanmoins la Fabrique écologique : « Les communes et les intercommunalités ne peuvent pas à elles seules gagner la bataille du climat. Il serait évidemment illusoire de penser, comme le font certains courants de pensée “localistes” ou encore de “l’écologie par le bas”, que seul compterait ou devrait compter ce qui se passe dans les territoires. » Charles-Adrien Louis, du cabinet B&L évolution, rappelle pour sa part que « les collectivités locales ne gèrent pas tout » ; les régions, l’État, l’Union européenne — mais aussi chacun d’entre nous — ont un rôle important à jouer dans la transition écologique. (...)
« Aucune collectivité n’est alignée sur une trajectoire compatible avec l’objectif de 1,5 °C de réchauffement, note Charles-Adrien Louis. Il y a des bonnes élèves, mais elles sont bien souvent “spécialistes” d’un domaine, comme Grenoble sur le vélo. » Un constat corroboré par le rapport de la Fabrique écologique. Sur les 746 intercommunalités ayant l’obligation de concevoir un plan de réduction des émissions de gaz à effet de serre — nommé plan climat-air-énergie territorial (PCAET) —, 44 seulement en ont adopté un.
Qu’est-ce qui freine l’action locale ? Premier obstacle, « les collectivités ne savent pas comment faire ni par où commencer », relève Zoé Lavocat, du Réseau Action Climat. « Le fait de savoir que c’est possible, que d’autres l’ont fait, est souvent un facteur déclencheur », souligne aussi Ulysse Blau. « Il existe un manque de connaissance des enjeux climatiques, ajoute Charles-Adrien Louis. Les élus ne connaissent par les priorités ni les ordres de grandeur. » Par exemple, combien de tonnes de CO2 sont-elles émises par une voiture individuelle ? Comment réduire les émissions liées aux bâtiments ? Ces informations ne sont pas toujours connues par les élus (ni par les citoyens).
Autre frein, et de taille, l’opposition des habitants (...)
l’implication des citoyens est un facteur de réussite incontournable. « Le problème, poursuit notre cycliste, est que les habitants attendent que les maires proposent des choses, tandis que les maires ont besoin que les habitants soient force de propositions et d’actions. Il suffit souvent pour un habitant de décrocher son téléphone et de dire aux élus ce qu’on aimerait voir ou faire. » (...)
Le changement de pratiques agricoles et la structuration d’une filière bio locale requièrent des évolutions aux niveaux européen et national, bien plus que local. « Les maires ont bien souvent conscience que les fermes industrielles ne sont pas une solution, mais ils ne savent pas comment encourager l’installation de jeunes paysans », témoigne Ulysse Blau.
Le décalage se retrouve aussi dans les moyens mis à disposition des communes pour mener à bien la transition. (...)
Les limites peuvent aussi provenir des acteurs locaux. « C’est parfois délicat d’agir sur les grands agents économiques, les entreprises ou industries, qui peuvent faire du chantage à l’emploi », remarque Charles-Adrien Louis. « J’ai ressenti un certain défaitisme de la part des maires quant à leur pouvoir pour encourager le commerce local et concurrencer les grandes surfaces », illustre ainsi Ulysse Blau.
Dernier point, et non des moindres, « les réussites communales sont souvent le fait de la volonté et de l’implication personnelle de décideurs », constate la Fabrique écologique.
4. La montée en puissance des intercommunalités est-elle un obstacle à la transition écologique ?
Eau, déchets, transports, urbanisme… nombre de compétences auparavant municipales sont passées à l’intercommunalité. Les élections municipales seront d’ailleurs aussi des élections communautaires : en votant, les citoyens élisent les conseillers qui siégeront dans les communautés de communes. Pour la chercheuse Élisabeth Dau, cet essor des intercommunalités et des métropoles pose un problème démocratique, car « il crée une distance incroyable entre les habitants et les élus, et recrée des zones de pouvoir vidées démocratiquement », dit-elle. D’autant plus, comme le souligne le politologue Gilles Pinson, que « les décisions sont souvent prises de manière opaque, assez peu démocratiques, non pas pendant les conseils métropolitains, mais dans les négociations de couloirs entre les maires ».
Cependant, « la montée en puissance de l’intercommunalité, qui va permettre de créer des structures plus grandes et capables de concentrer davantage de compétences et de ressources, est potentiellement un moyen de développer une expertise sur des sujets environnementaux et des politiques écologiques ambitieuses », considère Gilles Pinson. (...)