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Exploitation forestière en Afrique : à quoi joue l’Agence Française de Développement ?
Article mis en ligne le 15 mai 2017

Après la guerre qui a frappé la République démocratique du Congo (RDC) en 2002 et sous la pression de la Banque mondiale, le gouvernement congolais a suspendu les attributions de nouvelles concessions d’exploitation forestière. L’un des principaux objectifs de cette mesure adoptée il y a 15 ans était de mettre en place de nouvelles mesures pour transformer le secteur forestier en une industrie durable, capable de générer des milliards de dollars de chiffre d’affaires et des dizaines de milliers d’emplois. Or l’Agence Française de Développement (AFD) a proposé un programme qui encourage le développement de l’exploitation industrielle du bois dans le pays, à contre-courant des efforts réalisés ces dernières années.

En raison d’une incapacité à mettre en place un zonage participatif sur les potentielles zones de concessions, d’une défaillance dans l’instauration d’un plan évolutif sur trois ans indiquant le nombre, la surface et l’emplacement des concessions progressivement attribuées, et de l’absence de moyens nécessaires pour réguler, surveiller et contrôler l’exploitation forestière commerciale, le moratoire est resté en vigueur ces quinze dernières années, contribuant ainsi à la préservation de la forêt congolaise (la plus grande du bassin du Congo, second massif tropical au monde) en interdisant l’expansion des concessions d’exploitation forestière.

Une forêt menacée

Mais ce moratoire se trouve aujourd’hui lourdement menacé. Au cours des quinze dernières années, de nombreuses violations ont pu être observées, notamment par des représentants du gouvernement congolais qui, poings et pieds liés par ce moratoire, aimeraient pouvoir s’en débarrasser. Sa levée mettrait en péril l’habitat de nombreuses espèces menacées, et pourrait anéantir la possibilité pour les communautés forestières de gérer elles-mêmes leurs ressources. (...)

Parmi les programmes soumis à cette initiative se trouve un programme étonnant de l’Agence française de développement (AFD), dont l’un des objectifs est de soutenir et d’accroître l’exploitation industrielle des forêts en RDC, en augmentant par exemple l’espace forestier sous concession pour l’amener à 300 000 km2, soit plus qu’un quart de la forêt du pays – une superficie équivalente à celle de l’Italie. L’AFD est l’agence de développement du gouvernement français ; elle pour mandat de financer des projets censés réduire la pauvreté dans les pays étrangers et se trouve en partie financée par les contribuables français. Or, elle a récemment pris des engagements pour éviter de financer tout projet qui contribuerait à la déforestation ou la dégradation des forêts en Afrique. (...)

Pourtant, un autre de ses objectifs consiste précisément à appuyer le gouvernement de la RDC à lever le moratoire sur l’allocation de nouvelles concessions forestières industrielles d’ici 2018, alors que la RDC n’a en aucun cas mis en place les conditions d’une gouvernance forestière à même de préserver la ressource dans la durée – et les récentes violations du moratoire que nous avons découvertes sont la preuve que nous en sommes encore bien loin.
En effet, en RDC, les marges de manœuvre de la société civile et des communautés locales se réduisent, nombres d’opérateurs forestiers agissent sans plans d’aménagement et ne s’acquittent pas des taxes dues à l’Etat. Bien trop souvent, l’illégalité prédomine donc encore dans les forêts congolaises et le secteur n’est jamais parvenu à réduire la pauvreté dans le pays. (...)

Étonnamment, ce programme de l’AFD s’inscrit dans le cadre d’efforts internationaux de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre (GES) via la lutte contre la déforestation des forêts tropicales intitulée « Reduced Emissions from Deforestation and Forest Degradation » (REDD+).

Pourtant, en 2013, la déforestation en RDC a émis presque autant de CO2 dans l’atmosphère (0,337 Gt) que la combustion d’énergies fossiles additionnée à la production industrielle en France (et presque huit fois plus que la Norvège). L’AFD reconnaît elle-même que l’exploitation industrielle de bois est responsable de la production de GES. (...)

Un comité technique chargé d’évaluer la proposition de l’AFD a demandé que le programme soit révisé. Greenpeace et d’autres organisations de la société civile demandent que le nouveau programme abandonne l’objectif de levée du moratoire et abandonne son soutien à l’exploitation industrielle. (...)

Il est temps que le gouvernement congolais, ainsi que les pays donateurs, fassent le nécessaire pour protéger ce poumon de la planète avant qu’il ne disparaisse. Et il n’est pas acceptable que l’argent des contribuables français participent d’une manière ou d’une autre à la disparition des forêts africaines.