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L’Humanité
Fin de règne pour le « taureau » de la BAC de Rennes ?
Article mis en ligne le 28 juillet 2017

Le tribunal rend aujourd’hui son délibéré dans le procès du patron de la brigade anticriminalité. Il est poursuivi pour violences, faux en écriture et fausse dénonciation, à la suite d’une interpellation brutale filmée par la vidéosurveillance.

« Pourquoi t’as fait ça ? C’est dommage, je t’aimais bien… » Sur le blouson du major Jouan, patron de la brigade anticriminalité (BAC) de Rennes, du sang. Face à lui, le jeune qu’il vient d’interpeller a l’arcade ouverte et saigne du nez. Le policier soupire. « Je vais devoir déposer plainte maintenant. » L’officier n’est pas un inconnu. Dans les quartiers sud de la capitale bretonne, on l’appelle par son prénom. Philippe. « Un taureau », d’après son propre avocat.

Ce vendredi 5 mai, il est en patrouille dans une voiture banalisée de la BAC de Rennes, lorsqu’il aperçoit deux jeunes en train de discuter. Il suspecte une vente de stupéfiants. Avec son collègue, il se précipite pour les contrôler. Pendant qu’il vérifie les papiers du premier, le second se réfugie dans un bar-PMU situé à proximité. « Le major est alors entré seul dans le bar à la poursuite de mon client, qui n’a pas cherché à se défendre, raconte l’avocate de l’interpellé, Gwendoline Tenier. Il lui a enfoncé le pouce dans l’œil pour le mettre au sol. » L’homme glisse par terre. Alors qu’il est assis, le policier l’attrape par le col. Et lui envoie son genou à la figure. Dans la salle, un client âgé s’avance pour protester, il est repoussé sans ménagement. Le major Jouan tient sa promesse et dépose plainte pour outrage et rébellion contre cette personne au « comportement anarchique ». Mais une caméra de vidéosurveillance a saisi la violente interpellation. Le procureur voit les images. Il saisit l’Inspection générale de la police nationale.(...)

L’aura sulfureuse qui entoure ces brigades en civil remonte à leur création, au milieu des années 1990, par Charles Pasqua, alors ministre de l’Intérieur. L’écusson porté par certains policiers de la BAC rennaise résume leur mission. Sous l’Ankou, figure de la mort en Bretagne, une devise : « Surveiller et punir ». Ultramobiles, ils visent à faire du flagrant délit. Le professeur de sciences sociales Didier Fassin a accompagné, de mai 2005 à juin 2007, une brigade en région parisienne. Dans son livre la Force de l’ordre, il souligne qu’ils sont surtout confrontés à l’inaction. « L’ennui devient un élément explicatif, aussi bien de l’excès de certaines interventions que du harcèlement de certaines populations », expliquait-il en 2011.

La BAC les charge et leur intime l’ordre de se mettre à terre

À Rennes, cette rudesse est employée pour encadrer les mouvements sociaux. « Pendant que les policiers nous font face, la BAC pénètre le cortège pour en extraire les éléments violents, selon leurs propres termes », explique Jim, militant et étudiant à Rennes. Il a pu goûter à leurs méthodes pendant les manifestations contre la loi travail, en mars 2016. Alors qu’il aidait à soigner un lycéen blessé par un tir de Flash-Ball, la BAC les charge et leur intime l’ordre de se mettre à terre. Ils obéissent. « Un des policiers m’a écrasé sur le sol avec son genou, et m’a donné un coup de matraque. Puis ils sont partis sans rien dire d’autre. »

Dans la salle d’audience, face au patron de cette BAC, le procureur de la République a tenu à préciser : il ne s’agit pas « du procès d’un dysfonctionnement institutionnel mais bien de celui d’un policier ». Les violences illégitimes du major sont « de nature à ternir l’image de la police ». Ce 20 juillet, il requérait dix mois de prison avec sursis. La présidente du tribunal, elle, rend son ­délibéré ­aujourd’hui.

Lire : 10 mois avec sursis contre le chef de la BAC de Rennes. Une condamnation très... politique !

C’est bien le procureur qui de lui-même a choisi cette affaire, somme toute banale, pour proposer une condamnation pénale. Or des affaires de violence policières ou de procès-verbaux mensongers, voire d’accusations mensongères, il y en a beaucoup d’autres, particulièrement lors des manifestations contre la loi travail et lors des arrestations suite à la manifestation « Ni Le Pen Ni macron », les 27 avril et 4 mai 2017.

Certes, compte tenu des mensonges et falsifications du chef de la BAC dans cette affaire, c’était facile de poursuivre. Compte tenu du niveau de réflexion et d’argumentation du chef de la BAC, c’était facile de poursuivre.

Mais il faut le rappeler, cette interpellation n’avait rien d’exceptionnel par rapport aux dizaines d’autres opérées par la BAC à Rennes. Et il était pitoyable de voir le chef de la BAC complètement décontenancé, expliquant qu’il avait fait comme d’habitude. Devant les questions de la présidente, il bafouillait et s’embrouillant dans ses explications. Sa comparution dépassait sa compréhension. Il était tout aussi pitoyable de voir la vingtaine de policiers de la BAC et de la SIR présents à l’audience ne rien comprendre au réquisitoire du procureur. Ce qui les rendait agressif.

Pourtant, l’institution policière et judiciaire avait choisi cette affaire pour réduire au maximum l’effet à : « Un dealer et un policier qui a « failli à sa mission ». Cette présentation devait être « acceptable » pour les médias et les gogos.

L’institution policière et judiciaire a choisi cette affaire pensant qu’elle ne pouvait pas prêter le flanc à une quelconque interprétation « politique ». Or c’est évidemment tout le contraire qu’il faut comprendre.

Cette affaire sert à faire diversion.

Elle sert à faire croire qu’il s’agit d’un acte isolé dans une police exemplaire.

Elle sert à légitimer les lourdes condamnations et la généralisation des violences policières à l’égard des mouvements sociaux.

Elle sert à masquer les bavures importantes entraînant parfois la mort de jeunes de quartiers populaires.

Elle sert à justifier par avance le renforcement du processus de criminalisation des mouvements sociaux.

Pour Solidaires 35 / Serge Bourgin