
Sans surprise, la ministre de la Fonction publique a exclu toute hausse générale des salaires dès l’ouverture des négociations avec les syndicats de fonctionnaires le 7 février 2013. L’invocation du redressement des comptes publics ne suffit pas à expliquer cette rupture idéologique opérée par le Parti socialiste, traditionnellement plus favorable à ceux qui incarnent les services publics.
(...) Pour les 5,2 millions de fonctionnaires que compte la France, la dernière augmentation générale de 0,5 % remonte au 1er juillet 2010. Dans son budget pour 2013 et ses perspectives financières jusqu’en 2015, le nouveau gouvernement n’a pas prévu un seul euro d’augmentation. En tout et pour tout, la masse salariale progressera de 1 % entre 2012 et 2015, ce qui correspond uniquement à des mesures catégorielles accordées par les ministères à certains corps de fonctionnaires, telle que l’indemnité de 400 euros pour les instituteurs annoncée par le ministre de l’Éducation nationale.
Pour la majorité des fonctionnaires, qu’ils soient territoriaux, hospitaliers ou de l’État, c’est la promesse d’une cinquième année sans augmentation de salaire, un record historique ! (...)
A chaque fois que les traitements des fonctionnaires ont été gelés, la raison invoquée est le redressement des finances publiques. En effet, une hausse de 1 % de la valeur du « point d’indice de la fonction publique » - commun à tous les fonctionnaires - coûte aujourd’hui près d’un milliard d’euros à l’État et un autre milliard d’euros aux hôpitaux et aux collectivités locales. L’impact massif et immédiat d’une telle économie explique que le gouvernement y recoure par facilité. Mais la perte de pouvoir d’achat que subit un cinquième des salariés français entraine avec elle des effets dépressifs sur la consommation, donc sur la croissance et, par conséquent, sur les recettes de l’État qui doit encore plus se serrer la ceinture.
Pour faire passer la pilule aux fonctionnaires, un dispositif de « garantie individuelle du pouvoir d’achat » (GIPA), créé en 2008, vise à maintenir le pouvoir d’achat du traitement de base sur quatre ans. Concrètement, un fonctionnaire qui n’aurait pas bénéficié d’avancement individuel ni d’augmentation générale au moins égale à l’inflation perçoit une prime compensatrice du différentiel de salaire entre celui d’aujourd’hui et celui d’il y a quatre ans. Cependant, seul le traitement de base est pris en compte et il ne s’agit pas d’une augmentation permanente. Le traitement reste le même et c’est lui qui sera pris en compte pour le calcul des droits à la retraite. De plus, ce dispositif pénalise les jeunes (...)
Il est de bon ton aujourd’hui de traiter les fonctionnaires de « privilégiés » parce qu’ils ne craignent pas que leur employeur mette la clé sous la porte ou les licencie. Pourtant, la situation des fonctionnaires peu qualifiés, notamment dans les hôpitaux ou les petites communes n’est pas plus favorable que celle de leurs homologues de grands groupes qui savent qu’ils seront reclassés en cas de difficultés économiques. Certes, quelques milliers de hauts fonctionnaires sont des super-privilégiés : ils gagnent beaucoup et conservent une garantie d’emploi, même lorsqu’ils vont « pantoufler » [1] dans le privé. Sans doute, les salariés du public disposent d’un avantage considérable sur les autres dans une période de chômage de masse, et tous sont loin de s’en rendre compte. Mais la garantie de l’emploi autorise-t-elle un tel mépris, notamment salarial ?
La fiche de paie ne fait pas tout, mais voir son niveau de vie stagner n’est pas réellement un facteur de motivation. Ainsi par exemple, les professeurs des écoles (anciennement instituteurs), qui sont à eux-seuls plus de 300 000, apparaissent parmi les plus mal payés de tous les pays riches selon l’OCDE (...)