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article XI
Gare du Nord : Police du recoin
Article mis en ligne le 7 mai 2011
dernière modification le 4 mai 2011

Il y a ceux qui fréquentent la gare du Nord sans vouloir voyager ; qui y amarrent un petit bout de leur vie. Ceux qui ne savent pas où aller dans la ville immense, ou ne peuvent venir qu’ici – pour trouver un dealer dans la cour des taxis et des seringues stériles auprès de Médecins du monde. D’autres qui sont en quête du non-lieu pour oublier, cherchent l’échappée dans la gare sans histoire pour fuir la leur. Comme cette petite femme recroquevillée, assise au milieu du reste ; elle qui ne dérange pas, se fait toujours plus petite, dit avoir oublié son nom. Comme ces jeunes filles cherchant un peu de compagnie dans la gare froide. Ou ces hommes qui pleurent dans les bulles-attentes.

Certains – encore – interagissent avec le lieu, en détournent la fonctionnalité et profitent du tourbillon pour braconner, opposant de petits mouvements de résistance en surfant sur la marge – tactiques de l’instant. Non pas une reconquête des non-usagers sur la gare – leur présence est trop fragile et menacée – mais une pratique du lieu par contournement, nécessité ou insoumission. Trouver une cachette dans le lacis souterrain de la gare, s’y fabriquer un lit

Il y a ceux qui fréquentent la gare du Nord sans vouloir voyager ; qui y amarrent un petit bout de leur vie. Ceux qui ne savent pas où aller dans la ville immense, ou ne peuvent venir qu’ici – pour trouver un dealer dans la cour des taxis et des seringues stériles auprès de Médecins du monde. D’autres qui sont en quête du non-lieu pour oublier, cherchent l’échappée dans la gare sans histoire pour fuir la leur. Comme cette petite femme recroquevillée, assise au milieu du reste ; elle qui ne dérange pas, se fait toujours plus petite, dit avoir oublié son nom. Comme ces jeunes filles cherchant un peu de compagnie dans la gare froide. Ou ces hommes qui pleurent dans les bulles-attentes.

Certains – encore – interagissent avec le lieu, en détournent la fonctionnalité et profitent du tourbillon pour braconner, opposant de petits mouvements de résistance en surfant sur la marge – tactiques de l’instant. Non pas une reconquête des non-usagers sur la gare – leur présence est trop fragile et menacée – mais une pratique du lieu par contournement, nécessité ou insoumission. Trouver une cachette dans le lacis souterrain de la gare, s’y fabriquer un lit (...)

En ce lieu de transit, la débrouille, le statisme ou l’indolence sont vite qualifiés de transgressions par les employés de la SNCF. L’endroit doit être uniforme et géométrique, fluide. Pour garantir la sécurité et le bien-être des utilisateurs légitimes, disent-ils. Mais aussi parce que la gare est une administration fonctionnaliste qui, par essence, rejette ce qui n’est pas traitable [2]. C’est pourquoi les gestionnaires grimacent quand la gare, dans ses plis, s’imprègne des identités et pratiques de ceux qui transgressent les lois du non-lieu : ils tiquent quand les toxicomanes racolent pour le compte des taxis sous les fenêtres du salon d’embarquement Eurostar et évoquent avec fièvre l’invasion des « caddie boys », de vieux chibanis portant les valises des voyageurs contre quelques pièces. (...)

« Ce n’est pas toujours évident, il est difficile de satisfaire tout le monde, il y a ceux qui ne pensent qu’à court terme », admet le responsable solidarité de la SNCF. Suite aux plaintes des riverains et encouragée par la mairie, l’entreprise déclenche parfois des « opérations gare propre » afin de « nettoyer » la gare, manu militari et à l’aube, des indésirables. Et pour gagner en efficacité, les grandes gares européennes s’échangent quelques bons tuyaux [6]. L’Italie expérimente ainsi un suivi des déplacements des « marginaux » d’une gare à l’autre. Au Pôle sociétal de la SNCF, on appelle ça : « Avoir une longueur d’avance. » (...)
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