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Ghardaïa : des revendications politiques tournées en conflit ethnico-religieux
par Lilia Marsali vendredi 7 août 2015
Article mis en ligne le 7 août 2015

Les événements récents à Ghardaïa ont été volontairement absorbés par la tentation d’”essentialiser” le conflit dans la presse algérienne et internationale, laissant de côté une analyse structurelle raisonnée. Afin d’apporter la lumière sur les affrontements entre algériens pour déjouer la manipulation d’une presse éradicatrice si prompt à empêcher toute information crédible susceptible d’apaiser les esprits épris d’un désir de vengeance, nous avons fait appel à deux figures militantes algériennes pour les Droits de l’Homme, membres fondateurs du Congrès pour le Changement Démocratique en Algérie,CCD. Le Docteur Salah -Eddine SIDHOUM exerce la fonction de chirurgien orthopédiste en Algérie. Maître Noureddine AHMINE est membre du réseau des avocats pour les Droits de l’Homme et l’un des membres du collectif d’ avocats des détenus mozabites.

(...) Salah- Eddine SIDHOUM : Il ne s’agit nullement d’un conflit ethnique ou religieux. Les chaanbas et les mozabites ont toujours coexisté depuis des siècles, dans la paix et la sérénité. Cela ne signifie nullement qu’il n’y avait pas de temps à autre des frictions, frictions que nous observons fréquemment dans d’autres régions d’Algérie, entre tribus.

Nos compatriotes mozabites ont leurs particularités sociales, culturelles et religieuses. Ils constituent une communauté connue pour son organisation sociale faite de solidarité, de discipline et de rigueur. Et comme tout le monde le sait c’est une communauté tournée majoritairement vers le commerce. La politique diabolique du pouvoir a tout fait pour détruire ce mode de vie et d’organisation des mozabites. Et l’une des armes de cette politique est la manipulation de la haine entre habitants du M’zab. (...)

Les problèmes socio-économiques et politiques que vivent les citoyens de la région sont les mêmes que ceux que vivent tous les Algériens sur le territoire national. Le pouvoir défaillant pour ne pas dire en faillite et pour contrer le mécontentement populaire, dans cette wilaya joue sur ces fibres ethniques et religieuses, en entretenant cette politique de la haine de l’autre. Cette situation de marasme socio-économique et politique et de non-droit a constitué un terreau fertile à tous les extrémistes et trabendistes de la région (contrebande d’armes et de drogue au vu et au su des « autorités » pour ne pas dire leur complicité). C’est ainsi que sont nés les vastes réseaux de contrebande puissamment structurés avec leurs barons chez une partie des chaanbas et c’est ainsi aussi qu’est né également chez une infime minorité de mozabites l’idée d’autonomie du M’zab, calquée sur celles des extrémistes kabyles et chaouias (et qui ne représentent absolument pas les populations du M’zab, de Kabylie et des Aurès).

Le pouvoir illégitime au lieu de régler les problèmes socio-économiques de la région, sources de conflits, a préféré gérer cette situation explosive, n’obéissant qu’à ses calculs bassement politiciens et claniques malsains. Et le résultat nous le connaissons : des dizaines de morts algériens (mozabites et chaanbis) et des dégâts matériels considérables. (...)

Noureddine AHMINE :

Avant de répondre à cette question, il est indispensable de soulever quelques remarques. Premièrement : le terme guerre, selon la définition consacrée, ne correspond, à mon sens, d’aucune manière à la situation de Ghardaia. Deuxièmement : considérer ou qualifier les événements de Ghardaia comme étant un conflit ethnico-religieuxn risque de nous éloigner de la vraie nature de ces événement. (...)

absence totale de la prise en considération par les pouvoirs publics, de la spécificité de la région, dans tous ses aspects, l’écartement et le manque de considération des citoyens mozabites quant à la gestion des collectivités, le mépris des spécificités des mêmes citoyens, dans tous les domaines, la gestion anarchique du foncier, une grande défaillance de l’Etat dans tous les domaines aussi. L’ensemble de ces causes et certainement d’autres, ont généré un certain nombre de réactions. Parmi elles, la prise de conscience d’une partie des habitants de Ghardaia, mozabites dans leur totalité. Une prise de conscience mal vue par les représentants des pouvoirs publics. Cet aspect, à mon sens, est d’une importance capitale. (...)

le pouvoir n’avait et n’a nullement l’intention de régler un problème qui est le fruit de sa propre politique suicidaire. Il ne fait que gérer cette situation qui aujourd’hui semble le dépasser. Rappelons-nous, lorsque le bouffon boulitique est allé à Ghardaïa, le printemps dernier lors de la mascarade électorale de la 4e wakhda et avait promis de régler « définitivement » le problème après la reconduction du locataire d’El Mouradia. De fausses promesses enrobées de populisme. Et nous connaissons la suite. Non seulement rien n’a été réglé mais la situation s’est aggravée, jusqu’à l’utilisation d’armes à feu. (...)