
C’était une promesse phare de la campagne du candidat Hollande en 2012 : professionaliser et pérenniser les Auxiliaires de Vie Scolaire, ces personnes dont l’aide est indispensable à la scolarisation des enfants handicapés. A première vue, il y a tout lieu de se réjouir de ce progrès considérable, mais qu’en est-il dans le détail ?
Les auxiliaires de vie scolaire existent depuis la loi de 2005 sur l’inclusion des personnes handicapées dans la société, voire avant cette loi pour quelques expérimentations. Il s’agit de personnes appelées à compenser le handicap des enfants, afin de leur permettre d’être scolarisés dans de bonnes conditions. Ainsi, une AVS peut être amenée à pousser une chaise roulante, mais aussi à traduire un cours en langue des signes pour un élève sourd, ou encore permettre à un élève autiste de comprendre les consignes collectives et les règles sociales implicites qui pour lui sont une énigme, voire, prévenir et gérer ses troubles de comportement.
On sait depuis longtemps que les enfants handicapés scolarisés à l’école ordinaire font plus de progrès que ceux qui sont placés en institutions (IME ou Hôpital de Jour le plus souvent) sans réelle inclusion scolaire. C’est pour cela qu’il y a depuis des décennies une demande forte des familles pour rendre cela possible, comme c’est le cas depuis 1975 aux Etats Unis (loi IDEA). Cela était quasiment impossible en France avant la loi de 2005 ; depuis, cette loi est appliquée tant bien que mal sans que des moyens y aient été réellement affectés, le plus souvent sous l’impulsion, voire, la pression judiciaire des parents d’élèves. On a commencé par affecter aux élèves handicapés des personnels sous statut d’Assistant d’Education, le même que celui des "pions" des collèges et lycées. Il s’agit d’un contrat d’un an renouvelable jusqu’à 5 fois, payé au SMIC. Un contrat précaire et mal payé, donc, mais qui a le mérite de permettre d’aider un élève tant durant le temps scolaire que périscolaire, et de réaffecter la même personne au même élève jusqu’à 6 années au total.
Mais ensuite, la demande a explosé et dépassé les capacités budgétaires de l’Education Nationale.
Il a fallu trouver un palliatif, cela a été la mise en place de personnels dits "Emploi Vie Scolaire" (EVS). Ces recrutements sont faits sous contrats aidés (type Contrat Unique d’Insertion), donc réservés la plupart du temps à des personnes sans qualification et chômeurs de longue durée. Les précédents gouvernements faisaient ainsi d’une pierre deux coups : faire baisser les statistiques du chômage tout en contentant les familles d’enfants handicapés.
Cela n’a pas duré. En effet, de multiples problèmes sont posés par ces personnels EVS qui rendent le quotidien difficile. Ils n’ont pas le droit d’accompagner l’enfant sur le temps périscolaire : pas de cantine, pas de garderie, comment font les parents qui travaillent ? Ils sont affectés à l’école et pas à l’enfant : certains directeurs d’écoles les réquisitionnent pour du secrétariat sur le temps d’accompagnement des enfants. Leurs contrats sont limités à 6 mois ou un an (...)
Fin août, lors d’une conférence de presse, le Ministre Vincent Peillon annonce la création de contrats stables (CDI) à destination des Auxiliaires de Vie Scolaires. Ils pourront y accéder par Valorisation des Acquis de l’Expérience, sur leur demande, après 6 ans en poste sous le statut d’Assistant d’Education. Pour les EVS en contrat d’insertion, un nouveau contrat de 2 ans est mis en place pour permettre un accompagnement dans la durée (sans rupture tous les 6 mois), avec possibilité ensuite d’accéder à un poste sous statut d’Assistant d’Education. Les premiers contrats en CDI seront signés en 2015 ; des mesures transitoires sont mises en place pour les assistants d’éducation arrivant au bout de leurs 6 ans avant cette date. Des formations seront mises en place pour ces personnels.
C’est donc un grand pas en avant : on sort ces personnes de la précarité, on reconnaît la pérennité des besoins. La transition entre ancien statut précaire et nouveaux contrats stables s’effectuera sur plusieurs années, à mesure que les personnels actuels arriveront au bout de leurs 6 ans sous statut assistant d’éducation. Cependant, par mesure d’économie sans doute, ce nouveau statut est reconnu par un diplôme d’Etat de niveau V, le plus bas mentionné par le rapport Komitès. Ce niveau ne reconnaît pas la qualification actuelle des AVS (dont plus de 60% ont un diplôme bac +2), ni surtout le niveau de qualification nécessaire pour accompagner correctement les enfants handicapés. Qui peut nier qu’accompagner un enfant autiste nécessite des compétences pointues ? Ou qu’un AVS ayant appris la langue des signes ou le Braille mérite une reconnaissance à un niveau plus important ? Rappelons par ailleurs que plusieurs Universités mettent en place des Licences Professionnelles pour l’accompagnement des personnes autistes ; on parle là de diplômes bac +3 ! (...)
En conclusion, la situation commence à s’améliorer pour les AVS, les enfants qu’ils accompagnent et les enseignants avec qui ils travaillent. Mais le chemin est très, très long et pénible pour tout le monde, et la situation des enfants handicapés à l’école est encore loin d’être acceptable. Ne boudons cependant pas notre plaisir : la pérennisation des AVS, depuis le temps que tout le monde l’attendait, peu y croyaient encore malgré les promesses. Alors, le début d’une embellie pour nos enfants, pourquoi pas ?