
On est loin d’en avoir terminé avec le harcèlement dans la mode.
Le 16 février dernier, une nouvelle salve de noms a été publiée, cette fois-ci par le "Boston Globe", impliquant photographes, stylistes et agents. Chaque personne citée dans l’article nie vigoureusement ces allégations, tombe des nues...
L’avenir dira si ces mises en cause sont fondées ou pas. Mais aujourd’hui, c’est sur cette notion de "tomber des nues" que je voudrais m’attarder.(...)
C’est le cœur même du sujet, en fait. Pourquoi tombe-t-on des nues ? Si on est sincère, je veux dire.
Parce qu’on ne voit plus où est le problème. Toucher le mannequin à certains endroits, lui parler sommairement, le dénigrer physiquement alors qu’il entend, l’ignorer alors qu’il tremble, essayer de l’exciter par des paroles limites pour obtenir une meilleure photo, voire jouer de sa crédulité, est courant dans la mode, et rendu possible par la relative déshumanisation de cette jeune fille ou de ce jeune homme.
Bien souvent, le modèle ne réagit pas. S’il est très jeune, il s’imagine que c’est tout le temps ainsi. Que son corps, sur un shooting, ne lui appartient plus vraiment. S’il a un peu d’expérience et qu’on le choque, il se dit qu’il travaille avec des bâtards d’adultes, se met les écouteurs sur les oreilles, et rompt lui-même la communication. En faisant le job.
C’est mixte, l’inélégance
Evidemment, beaucoup de photographes et de stylistes ont à cœur de créer une réelle complicité avec le mannequin. En redoublant de gentillesse et de prévenances.
Mais combien de ces gosses ont dû faire face à des "Elle a des dents à chier", "Il a de mauvaises jambes" ? Parfois, et ce point nous intéresse, ce sont des compliments : "Avec une bouche comme ça, il n’a pas de souci à se faire", "Elle est chaude comme un scoop".
J’ai entendu ces phrases prononcées aussi bien par des hommes que par des femmes. Pour parler aussi bien de garçons que de filles. Et devant eux. Car c’est mixte, l’inélégance. Mixte, l’impolitesse. Et mixte, la muflerie.
Tous ces dysfonctionnements sont d’ailleurs pointés par Model Law, qui se bat pour les droits des mannequins. (...)
Ce monde de la mode n’a pas besoin de tomber des nues : il a besoin que les écailles lui tombent des yeux.