
Impôts et prestations sociales réduisent nettement les inégalités de niveau de vie entre les plus riches et les plus pauvres. La redistribution fonctionne en France, mais les écarts sont considérables à l’origine. L’analyse d’Anne Brunner et Louis Maurin.
vant impôts et prestations sociales, le revenu moyen des 20 % les plus aisés est de 54 790 euros par an selon l’Insee (données 2015 pour une personne seule), huit fois le revenu des 20 % les plus modestes (6 630 euros par an en moyenne)
. À l’extrémité de l’échelle, les 10 % les plus aisés (71 270 euros par an) touchent 21 fois plus que les 10 % les plus modestes (3 370 euros). Une fois les impôts retirés de ces revenus et les prestations sociales versées, les écarts se réduisent très nettement : le rapport entre les niveaux de vie des 20 % les plus riches et des 20 % les plus modestes tombe à quatre.
Entre les 10 % les plus riches et les 10 % les plus pauvres, il se réduit de 21 à six. Dans le premier cas, les inégalités de niveau de vie sont divisées par deux. Dans le second, par près de quatre. Le modèle social français redistribue les cartes des revenus de façon importante. (...)
On mesure ici les effets de ce que les économistes appellent la « redistribution monétaire ». Sans notre système fiscal et de protection sociale, les inégalités de revenus seraient considérables. Mais comment cette redistribution opère-t-elle ? (...)
Sans redistribution, plus d’un Français sur cinq vivrait sous le seuil de pauvreté
14 % des Français vivent sous le seuil de pauvreté fixé à 60 % du revenu médian en 2014. Ils seraient 22 % si les transferts sociaux et fiscaux n’existaient pas, selon le ministère des Solidarités et de la Santé [4]. Le système redistributif permet de réduire de près de huit points le taux de pauvreté en France. (...)
La redistribution monétaire contribue à diminuer les inégalités de niveau de vie et à protéger des effets de la pauvreté. Pour dresser un panorama complet des transferts et de la redistribution opérés par l’État, il faudrait chiffrer [8] de façon précise l’effet des impôts indirects et des services publics. Les premiers, comme la TVA, pèsent davantage sur le revenu des plus pauvres (voir notre article « La TVA est-elle juste ? »). Quant aux services publics, leur rôle dans la réduction des inégalités est central. L’école gratuite, les logements sociaux ou les remboursements de soins ne se limitent pas à redistribuer de la richesse, ils permettent également de réduire les inégalités sociales d’accès aux soins, à l’éducation, au logement, etc.
Même si le modèle social français redistribue les cartes des revenus, les écarts restent importants après redistribution : les 10 % les plus riches perçoivent en moyenne 3 845 euros de plus que les 10 % les plus pauvres chaque mois, soit 46 000 euros supplémentaires par an. Ce niveau d’inégalités après redistribution situe la France dans la moyenne européenne.
On redistribue beaucoup parce que les inégalités de départ (entre les salaires, entre les revenus financiers, immobiliers, etc.) sont dans notre pays, parmi les plus grandes en Europe. (...)
. Les riches gagnent beaucoup avant impôts mais s’en rendent difficilement compte, faute de pouvoir se comparer avec ce qui se passe dans les autres pays (voir notre article « France, le pays où les riches sont très riches ») ou d’avoir une idée réelle de ce que gagnent les ménages moins aisés. En revanche, ils mesurent l’ampleur de ce qu’ils paient en prélèvements. Même si l’on s’accorde pour soutenir les plus démunis, c’est au prix d’une redistribution conséquente, du fait des inégalités de départ. On devrait autant se poser la question de la distribution initiale des revenus, que de leur redistribution après coup. C’est pourtant rarement fait. Les privilégiés de l’entreprise comme de la fonction publique accèdent à de très hauts niveaux de salaires et des primes importantes, rarement contestées.