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Basta !
Impôts, fraude, assistanat, vote réac : ces préjugés sur les pauvres qui ne supportent pas l’épreuve des faits
Article mis en ligne le 21 novembre 2016
dernière modification le 17 novembre 2016

Alors que la campagne présidentielle démarre, les discours anti-pauvres et anti-immigrés font plus que jamais recette. Fraude aux allocations, faible participation à l’impôt, violences conjugales, natalité excessive, oisiveté, pollution... A en croire les colporteurs de ces préjugés, ceux qui possèdent le moins seraient responsables de tous les maux qui frappent la société. Sauf que... faits, chiffres et études battent en brèche ces faux arguments, qui nous détournent des vraies responsabilités. L’association ATD quart monde a récemment publié un ouvrage intitulé « En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté ». Basta ! s’en est inspiré, pour rappeler quelques évidences... trop souvent oubliées.

Préjugé n°1 : les pauvres pourraient travailler s’ils le voulaient

Près des deux tiers des Français seraient convaincus que « si l’on veut travailler, on trouve » [1]. Comme plusieurs ministres d’ailleurs : l’ancien ministre du Travail François Rebsamen et Myriam El Khomri qui lui a succédé ont déclaré que plusieurs centaines de milliers de postes – 400 000 pour le premier, 300 000 pour la seconde – étaient « abandonnés » chaque année faute de candidats [2].

« Ce qui freine la reprise d’emploi, c’est le manque de moyens de transport, de formations adaptées, de modes de garde accessibles pour les enfants, les problèmes de santé et surtout le manque d’emplois décents et suffisamment rémunérés », explique Jean-Christophe Sarrot, co-auteur de l’ouvrage publié par ATD quart monde. Les personnes pauvres sont aussi victimes de discrimination à l’embauche : à qualification égale, un français perçu comme étant « d’origine immigré », postulant pour un emploi, a cinq fois moins de chances qu’un autre d’obtenir un entretien [3]. Une personne qui fait apparaître sur son CV un emploi en insertion ou un foyer d’hébergement comme domicile a également moins de chance de décrocher un rendez-vous. Par ailleurs, entre 2007 et 2011, un demi million de personnes ont renoncé à un poste en raison de problèmes de logement et du surcoût de la mobilité exigée. Il y a enfin des offres d’emploi farfelues : par exemple une heure de ménage par semaine, en pleine campagne, le dimanche.

Préjugé n°2 : les pauvres ne paient pas d’impôts

Combien de fois entend-on que la moitié des Français ne paient pas l’impôt sur les revenus, tandis que les classes moyennes aisées seraient « matraquées » par le fisc ? Oui, les personnes en situation de pauvreté « échappent » à l’impôt sur le revenu. Elles paient cependant comme tout le monde le principal impôt, la TVA perçue sur tous les produits et services qu’elles achètent, qui constitue 50% des recettes fiscales de l’État. Les personnes célibataires qui gagnent plus de 10 700 euros par an – soit plus de 892 euros par mois – paient aussi la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS). Ces deux impôts contribuent au financement de la sécurité sociale.

Résultat : les 10% de la population française qui ont les revenus les plus bas paient en moyenne 40 % d’impôts – le taux moyen d’imposition – quand les 0,1% les plus riches en paient environ 35%. (...)

Préjugé n°3 : les pauvres touchent des aides indûment ou fraudent massivement

Si elle est bien réelle, la fraude aux prestations sociales est très faible par rapport aux autres types de fraudes, notamment la fraude fiscale. En 2016, la fraude au RSA a coûté 100 millions d’euros à l’État, soit 30 fois moins que la fraude fiscale qui a amputé le budget de la France de plus de trois milliards d’euros. Et 168 fois moins que la fraude patronale aux cotisations sociales, estimée par la Cour des comptes à 16,8 milliards en 2012 (lire ici). La fraude douanière coûte, elle, plus de 400 millions d’euros. (...)

Préjugé n°4 : les pauvres profitent des logements HLM et du RSA

65 % des familles vivant dans la pauvreté sont logées dans le parc privé, le plus souvent dans des logements dégradés et surpeuplés. Cette situation n’est pas prête de s’inverser, vu le coût sans cesse croissant des logements HLM : la part du loyer et des charges dans les revenus des locataires HLM est passé de 16% en 1984 à 23% en 2011. Résultat : les bailleurs sociaux accueillent de plus en plus de classes moyennes. (...)

Les pauvres feraient-ils alors des enfants pour s’enrichir ? Le taux de fécondité des familles ouvrières françaises est à peine plus élevé que celui des familles cadres : 2,3 enfants contre 2,2 enfants ! On estime que les aides sociales et fiscales couvrent à peine un tiers des dépenses liées à un enfant pour les familles les moins fortunées [4].

Préjugé n°5 : les pauvres se désintéressent de la politique ou votent FN

En 2012, 67% des personnes les plus précaires disaient avoir de très fortes intentions de voter au scrutin présidentiel. « C’est moins que pour les personnes plus favorisées, mais cela montre que le lien avec la politique résiste à l’insécurité économique, à l’isolement social et à la stigmatisation rencontrés par les personnes en précarité, alors même que les débats politiques abordent peu, en général, les questions qui les concernent directement, voire les stigmatisent » , remarque Jean-Christophe Sarrot.

Lors de la dernière élection présidentielle, Marine Le Pen a doublé son score chez les électeurs précaires (20 %) par rapport aux plus favorisés (11 %). Mais, plus que les catégories les plus appauvries, c’est davantage les classes moyennes inférieures menacées de déclassement : ouvriers, employés, voire petits patrons. Bref, ceux qui ont un petit patrimoine, possèdent parfois leur logement, ont un statut social et craignent de le perdre. « Paradoxalement, ce ne sont pas les plus pauvres qui votent FN, éclaire le démographe Hervé Le Bras. Ils sont plutôt abstentionnistes ou ne sont pas inscrits sur les listes électorales. Les chômeurs, par exemple, ne sont pas plus frontistes que le reste de la population. Plus que la condition sociale ou la profession, ce qui regroupe les électeurs de ce parti, c’est plutôt le sentiment de ne pas s’en sortir face à la crise, et de ne pas avoir d’avenir [5]. »

Préjugé n°6 : les pauvres polluent et se foutent de l’écologie (...)

S’ils génèrent moins de pollution, les pauvres en subissent en revanche les conséquences, plus encore que le reste de la population. « À Paris, ce sont les familles précaires qui souffrent le plus des pics de pollution, parce qu’elles habitent dans des endroits exposés, par exemple à proximité du périphérique et qu’elles ont peu de moyens de s’y soustraire, n’ayant pas de quoi partir en vacances ou en week-ends. » Les bénéficiaires de la CMU souffrent d’ailleurs plus de maladies respiratoires chroniques que le reste de la population (57 pour 1 000 contre 35 pour 1 000). Et aux États-Unis, l’industrie du gaz de schiste est accusée de venir « mettre ses déchets chez les Noirs et les pauvres ».

Préjugé n°7 : les pauvres ne savent pas gérer leur budget (...)

Préjugé n° 10 : l’immigration augmente massivement en France

Entre 1975 et 2013, l’immigration a augmenté de 1,4 point : de 6,6% en 1931, la part de la population immigrée est passée à 7,4% en 1975, pour arriver à 8,8 % en 2013. Nous sommes très loin des 23 % qu’imagine une partie des Français [11]. Et contrairement à ce qu’affirme le maire de Béziers, Robert Ménard, qui promet une invasion de Syriens à ses concitoyens, la France accueille très peu de réfugiés. Entre 2011 et 2015, seulement 10 000 Syriens ont obtenu les statut de réfugiés en France, soit 2 000 en moyenne par an, alors que l’Allemagne en a accueilli plus d’un million rien qu’en 2015.

La France n’attire guère. En septembre 2015, sur les 1 000 réfugiés arrivés en Allemagne que l’on proposait d’accueillir, seuls 600 ont accepté. « Beaucoup savent qu’ils ne sont pas attendus à bras ouverts : en 2014, la France a rejeté 83 % des demandes d’asile, bien plus que ses voisins européens », remarque Jean-Christophe Sarrot. Soumis à des démarches complexes et parfois opaques, sans droit de travailler – en Allemagne, les demandeurs d’asile peuvent travailler au bout de trois mois – sans autre aide que la faible allocation pour demandeur d’asile (de 200 à 340 euros par mois) et l’aide médicale d’État, la plupart d’entre eux sont condamnés à vivre dans une grande précarité [12].

Préjugé n°11 : les étrangers sont attirés par notre protection sociale et ils nous coûtent cher

Les conditions d’accès à notre protection sociale sont restrictives. Pour prétendre au RSA par exemple, les personnes issues d’un pays non membre de l’Union européenne doivent être titulaires depuis au moins cinq ans d’un titre de séjour les autorisant à travailler. Les conditions d’obtention du minimum vieillesse sont elles-aussi contraignantes : une personne de nationalité étrangère doit, soit détenir depuis 10 ans un titre de séjour l’autorisant à travailler, soit être réfugiée, apatride, ou ancien combattant, soit être ressortissante d’un État membre de l’Espace économique européen ou suisse. Il faut également résider régulièrement en France. Personne ne peut donc débarquer en France et toucher le minimum vieillesse ou le RSA du jour au lendemain. (...)

Les immigrés, quand ils sont correctement accueillis, apportent une diversité culturelle et professionnelle qui favorise l’économie des pays d’accueil. Mais ils créent en plus de la richesse et de l’emploi, car ils sont aussi consommateurs, cotisants et contribuables (TVA et autres impôts). Ces contributions compensent, parfois largement, les coûts (santé, éducation, chômage) liés à la prise en charge des personnes immigrées. Un comparatif établi en 2005 montre que cette année là l’immigration a rapporté plus de 72 milliards d’euros à la France via les cotisations et impôts, et coûté environ 68 milliards d’euros, soit un solde positif de 4 milliards d’euros [14]. Selon l’organisation internationale de coopération et de développement économiques (OCDE), il faudrait mieux intégrer les immigrés au marché du travail, car c’est la voie principale par laquelle ils contribuent aux ressources fiscales de leurs pays d’accueil.