
Les inondations meurtrières qui viennent de ravager les Alpes-Maritimes, y provoquant une vingtaine de morts, succèdent à celles ayant frappé le Gard, le Var, la Vendée (Xynthia), la Bretagne l’hiver dernier, l’Hérault le mois dernier, témoignant d’une incapacité structurelle à prévenir des phénomènes qui vont se multiplier à l’horizon des prochaines années.
(...) Quel “aménagement” du territoire ?
A rebours du refrain fatalité-compassion, force est pourtant de constater que tout cela est parfaitement prévisible, rançon de plus d’un demi-siècle de dévastation de la nature, rupture de ses équilibres et rythmes naturels, pratiques agricoles ravageuses (remembrement, drainage, disparition des zones humides…), et surtout politiques d’aménagement du territoire et de l’urbanisme aux conséquences délétères.
Ruisseaux, rivières et fleuves chenalisés, bétonnés, enterrés, disparition des champs d’expansion des crues qui ont été viabilisés, aménagés, urbanisés…
Au final l’imperméabilisation des sols partout à l’oeuvre, en milieu rural, où les sols qui accueillent des monocultures à haut rendement interdisent l’infiltration, comme en milieu urbain ou péri-urbain, où le ruissellement accompagne la bétonnisation générale des espaces.
Tout cela est connu, archi-connu. On en débat, on élabore des programmes, on aligne les promesses, toujours sans lendemain… Alors l’eau qui ne peut s’infiltrer ruisselle et s’accumule si elle ne peut s’écouler normalement. Avant qu’un épisode météorologique hors normes ne finisse par faire des ravages, eux aussi hors normes.
Dans le même temps, hélas, collectivités locales, élus, acteurs économiques, services de l’Etat, continuent trop souvent à fermer les yeux sur la délivrance des autorisations de construire en zone inondable, car cela procure des rentrées d’argent aux communes.
En dépit des discours officiels, on ne remet en cause qu’à la marge le bétonnage des villes qui imperméabilise le sol et empêche l’eau de s’infiltrer. Ou la transformation des champs de type "bocage", avec des haies et des canaux d’évacuation séparant les (petites) parcelles, en immenses étendues satisfaisant aux conditions d’agriculture intensive que souhaite l’industrie agro-alimentaire.
Il faudrait aussi d’urgence reboiser des pans de collines ou de montagnes pour arrêter les torrents d’eau et de boue qui les dévalent, qui y songe ? (...)
L’affaissement des services publics
Les épisodes récurrents d’inondations meurtrières s’inscrivent aussi dans le contexte plus large de l’affaissement général des politiques publiques, et des services qui les portent. Ainsi des ravages de la « Révision générale des politiques publiques », initiée en 2007 par François Fillon sous la présidence Sarkozy, poursuivie en 2012 par Jean-Marc Ayrault, sous l’appellation de « Modernisation de l’action publique » (MAP). (...)
Balkanisation des territoires
Après l’adoption des lois MAPTAM et NOTRe, puis la création des super-régions, sur le terrain nul ne sait en réalité qui va exercer demain quelles compétences, ni comment elles seront financées… Ca vaut pour le petit cycle et le grand cycle. (...)
On en a pour quatre ou cinq ans de navigation dans le brouillard, avec comme hypothèse la plus vraisemblable une balkanisation qui va voir chacun bricoler au mieux ses solutions de fortune dans son coin, ce qui augure mal d’une dynamique nationale qui se porterait à hauteur des enjeux… (...)