
J’ai cru comprendre un jour que si je travaillais bien à l’école j’aurai un bon travail. Alors j’ai étudié. J’ai cru comprendre un jour que si j’étais poli et discret je serais accepté. Alors j’ai été courtois et j’ai rasé les murs. J’ai étudié jusqu’à en être essoufflé par cinq années de thèse. J’ai été poli et presque silencieux. J’ai obéi et j’ai subi. Quelque part on m’a dupé et j’ai été victime mais je dois admettre qu’il s’agissait d’une soumission librement consentie. J’ai accepté de taire mon homosexualité à mon travail. J’en ai fait un secret de polichinelle et mon patron s’en est saisi comme d’une faiblesse. Combien de fois n’avais-je pas entendu que les homosexuel.le.s n’ont pas besoin de « s’afficher » et que ceux qui le font s’exposent à un opprobre bien mérité.
resque après trente années de service rendu au patriarcat blanc hétéro, j’ai compris qu’on m’avait invité à faire de ma sexualité une donnée qu’il fallait cacher car on l’utiliserait contre moi si j’en parlais un peu trop.
(...) les homosexuel.le.s qui militent et revendiquent des droits font peur. Sur ce point, je ferais un parallèle avec les femmes car notre société ne comprend toujours pas pourquoi diable elles essaient d’obtenir une équité avec les hommes alors qu’elles ont le droit de vote et tout le confort moderne à la maison. Je crois bien qu’ils nous arrive la même chose à nous autres gays. Nous pouvons avoir des ami.e.s, les hétéros bobos nous adorent en ce moment. Nous pouvons consommer, les responsables marketing nous agitent un chiffon rouge comme les matadors à leurs vachettes. Partir en voyage ?! Des agences gay vous ont réservé un vol pour Mykonos, Sitges ou Key West (pour du trekking dans Larzac vous repasserez, c’est pas en stock…). Des fringues ?! Allez chez H et Trucs, Beckam vous y attend en slip (c’est pas à moi qu’ils auraient demandé…).
En bref, on se laisse bercer par de la consommation. Du coup, on est bien entretenu.e.s, bien habillé.e.s, bronzé.e.s à souhait et on cumule les signes apparents d’un pouvoir d’achat qui, pour beaucoup, a diminué comme peau de chagrin. Mais tout ce mécanisme consumériste permet au moins deux attitudes homophobes.
D’une part il accrédite un stéréotype et le discours selon lequel nous n’aurions pas à nous plaindre car nous sommes plus riches que le reste de la population. D’autre part il nous maintient loin des réflexions et actions politiques (...)
En tant que gay-homme-blanc-végétarien-féministe en couple avec un noir-omnivore je m’inquiète autant de l’homophobie des hétéros, du racisme des homos (voir de la montée de l’homonationalisme), du regard singulier de la société vers les couples pluriculturels que de l’étroitesse d’esprit des homos face aux différences de mode de vie du type végétarisme, altermondialisme, engagements associatifs LGBT et/ou contre le VIH/Sida/VHC. Il me paraît difficile de dissocier ces questions à l’heure actuelle si l’on souhaite comprendre la droitisation de l’électorat gay français. C’est en ce sens que le livre Pourquoi les gays sont passé à droite, adjoint à Sexuality and Socialism History, Politics, and Theory of LGBT Liberation de Sherry Wolf me semblent très intéressants car ils expliquent chacun à leurs manière par quels rouages les questions LGBT sont aussi liés aux enjeux antiracistes notamment (...)