L’agriculteur charentais, connu pour avoir fait condamner Monsanto après un combat judiciaire de 15 ans, a été agressé chez lui vendredi 30 janvier. Une enquête a été ouverte par le parquet d’Angoulême. La victime dit à Mediapart être « profondément meurtri » par ce qui lui est arrivé.

lIl ne fait pas bon avoir raison contre Monsanto… Même lorsque la justice a parlé. Vendredi 30 janvier, Paul François, le premier agriculteur français à avoir porté plainte contre le géant états-unien des pesticides – racheté depuis par l’Allemand Bayer –, et qui a fini par obtenir gain de cause en 2020, a été victime d’une agression sordide à son domicile à Bernac (Charente).

L’agression a eu lieu dans la soirée, alors que Paul François rentrait en voiture, seul, après un dîner en famille, d’après La Charente libre qui a révélé l’information. L’agriculteur l’a confirmé à Mediapart. « Je suis profondément meurtri par ce qui m’est arrivé », confie-t-il, précisant qu’il a besoin de se reposer. « Pour l’instant je me soigne », indique-t-il.

« Mon client m’a informé de l’agression dont il a été victime la semaine dernière, agression particulièrement violente, ajoute de son côté son avocat François Lafforgue. Nous demandons que l’enquête ouverte soit menée le plus rapidement possible pour identifier les responsables, ce qui permettrait aussi de mettre en sécurité Paul François. »

Le parquet d’Angoulême a annoncé avoir ouvert une enquête vendredi 10 février. Les circonstances aggravantes de violences en réunion, arrestation et séquestration, et administration de substances, ont été retenues par le parquet, d’après l’AFP. (...)

D’après le quotidien régional La Charente libre, deux hommes encagoulés ont fait irruption chez lui, « lui ont entravé les pieds et les mains à l’aide de serflex, l’ont bousculé, et surtout menacé ». « On en a marre de t’entendre et de voir ta gueule à la télé », auraient lâché ses agresseurs, d’après son avocat, avant qu’ils ne quittent les lieux, comprenant que leur victime était encore au téléphone avec sa sœur pendant l’agression.

Paul François a aussi raconté à son avocat avoir été obligé par ses agresseurs d’avaler du liquide, sans pouvoir déterminer ce que c’était. « Paul François était effondré et traumatisé toute la semaine qui s’est écoulée », précise François Lafforgue. Il n’a pas encore décidé s’il va déposer plainte. (...)

C’est en octobre 2020 que l’agriculteur français remporte définitivement la bataille judiciaire contre Bayer Monsanto, avec le rejet, par la Cour de cassation, du pourvoi intenté par la firme, ce qui permet d’établir, une fois pour toutes, la responsabilité du géant des phytosanitaires. L’empoisonnement subi en 2004 sur son exploitation avec l’utilisation du Lasso, herbicide commercialisé par la firme, est définitivement reconnu par la justice. C’est après plusieurs jours de traitement sur ses cultures et l’inhalation du produit dans la cuve que Paul François était tombé malade et avait dû être longuement hospitalisé. Il lui en reste aujourd’hui des séquelles qui semblent incurables – de violentes céphalées, notamment.

« Le combat de Paul François et de quelques autres n’est que la partie émergée de l’iceberg de ce qui est provoqué quotidiennement par les pesticides. »
Annie Thébaud-Mony, directrice de recherche émérite à l’Inserm (...)

Si d’innombrables produits toxiques sont encore largement utilisés en agriculture, reste que le combat de Paul François a été un déclencheur indéniable pour la reconnaissance des maladies professionnelles liées aux pesticides. Plusieurs collectifs ont été créés dans son sillage, et lui-même a fondé en 2011 l’association Phyto-Victimes. (...)

Ce combat, et son souhait d’une transition vers une agriculture sans produits chimiques, Paul François le racontait dans un livre, paru chez Fayard en 2017 : Un paysan contre Monsanto. « Ce combat n’est plus seulement le mien. Puisse ma victoire donner aux paysans de tous pays le courage de s’organiser, de lutter, de relever la tête », écrivait-il alors. Un combat dont ce jour de janvier 2023 aura montré tous les risques.

– (Editions Fayard)
Paul François,Un paysan contre Monsanto