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Jean Baubérot : « Pourquoi je soutiens l’Observatoire de la Laïcité »
Article mis en ligne le 28 octobre 2020

L’Observatoire de la Laïcité, créé le 25 mars 2007 par le président de la République Jacques Chirac et le Premier ministre Dominique de Villepin pour « assister le gouvernement et mieux faire respecter le principe de laïcité dans les services publics », fait aujourd’hui l’objet de vives polémiques. Sa mission, apprend-on, se verrait remise en question par Matignon. « La volonté du Premier ministre est de renouveler une instance afin qu’elle soit davantage en phase avec la stratégie de lutte contre les séparatismes », auraient prévenu les services de Jean Castex, sous la tutelle duquel est placée l’institution.

Dans une lettre ouverte au président Emmanuel Macron, publiée dans Libération ce 20 octobre, une quinzaine d’universitaires, dont je fais partie, apportent leur « total soutien » à l’ex-ministre PS Jean-Louis Bianco, président de l’Observatoire, dont le mandat expire fin avril, et à son rapporteur général, Nicolas Cadène, dont l’éviction a été présentée comme acquise par la presse. Voici plus en détail les raisons pour lesquelles j’ai signé ce texte.

Lors des débats qui ont abouti à la loi de 1905, Aristide Briand, rapporteur de la commission parlementaire, indiquait aux députés qu’il existe deux moyens de faire échec à une politique laïque : le premier consiste à s’y opposer nettement, le second à se livrer à des « surenchères » qui susciteront des oppositions rendant la paix publique impossible. Il demandait donc aux laïques de vaincre leurs craintes des entreprises « cléricales », de faire preuve d’un grand « sang-froid ».
Mieux faire connaître la laïcité

Cette leçon est toujours valable. Notre pays, qui comporte la minorité musulmane la plus importante d’Europe, constitue un enjeu pour l’extrémisme islamiste. Ses partisans cherchent à faire croire à nos compatriotes musulmans qu’ils ne peuvent pas être citoyens de la France laïque tout en pratiquant leur religion. Jusqu’à présent, malgré certains événements dramatiques, ils ont échoué. Des individus radicalisés ont d’ailleurs affirmé au sociologue Hugo Micheron, de la prison où ils sont détenus, que les musulmans vivant en France, étaient, décidément, « trop français » pour rallier leur cause ! Au-delà des revendications explicites, le but principal des attentats consiste à séparer les communautés musulmanes de l’ensemble des Français.

Face à cette conjoncture, deux façons d’agir s’avèrent complémentaires. Les services du ministère de l’Intérieur doivent prévenir les attentats. Il semble qu’ils y aient partiellement réussi : sans leur travail difficile, ceux-ci auraient été plus nombreux. Nous devons leur en savoir gré. Cependant, cette tâche nécessaire doit être complétée par une action d’information objective et de formation pour mieux faire connaître la laïcité. C’est ce qu’accomplit, malgré des moyens très limités, l’Observatoire de la Laïcité, en se montrant très présent sur le terrain, en rappelant inlassablement les textes en vigueur issus des diverses lois laïques et en favorisant le dialogue entre différentes convictions.

Principe constitutionnel de la République, la laïcité est, d’abord, un dispositif juridique permettant, par la neutralité de la puissance publique et sa séparation d’avec la religion, la liberté de conscience de tous et toutes et la non-discrimination pour raison de conviction (religieuse, agnostique ou athée). Malheureusement, par méconnaissance ou pour des raisons électoralistes voire peu honorables, certains prônent une laïcité à deux vitesses, douce envers le catholicisme, rétabli insidieusement comme religion officieuse de la France, et dure envers des minorités. On prétend, par exemple, que la Constitution définirait la France comme « une et indivisible », ce qui est faux. Présente en 1793, la mention « une » a été enlevée ensuite, pour pouvoir conjuguer ensemble l’indivisibilité de la nation et la diversité d’appartenances de ses citoyens. De même, des propositions de neutralisation de l’espace public correspondent à des amendements que la loi de 1905 a rejetés.
Pompiers pyromanes

Ces contrevérités défigurent la laïcité et risquent de rendre l’extrémisme attirant. (...)

grâce à l’Observatoire, de nombreux musulmans sont en mesure de ne pas confondre laïcité et antireligion. Au même titre que les services de renseignements, cet organisme a donc permis de prévenir des attentats.

Parmi les associations qui le défendent on trouve la Ligue des Droits de l’Homme, fondée lors de l’affaire Dreyfus, la Ligue de l’Enseignement qui, depuis la création de l’école publique laïque, a été son indispensable accompagnement associatif et la Libre-pensée. Cette dernière combat les doctrines religieuses, cherche à convaincre de leur nocivité. Elle le fait en distinguant nettement sa lutte convictionnelle et la laïcité assure la liberté de conscience de chacun. Je suis persuadé que si cette attitude était plus répandue, le risque d’attentat en serait diminué.