
Pour Basta !, Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de gauche à l’élection présidentielle de 2012, explique sa vision de « la rupture » : rupture avec les marchés financiers, avec le productivisme ou avec la social-démocratie… À quoi il oppose une « révolution citoyenne » et une « planification écologique ». Entretien avec le leader du Parti de gauche reconverti à l’impératif écologique et admirateur de Jaurès.
(...) La guerre commence avec les banques, et qui est le premier à se coucher et à faire passer son peuple à la caisse ? Le Premier ministre grec, président de l’Internationale socialiste. Et si c’est un gouvernement de droite, ce sera pareil. Les Français sont détestés par la finance anglo-saxonne. Pour eux s’il y a un pays dont il faut briser les reins, c’est bien la France. Parce que la France, ce sont les services publics, c’est « liberté-égalité-fraternité ». La méthode Sarkozy consiste à passer par-dessus bord, petit à petit, tout notre appareil égalitaire : les retraites, la santé, bientôt l’école. Et le monstre financier n’est jamais repu. Il est insatiable. La France est un fruit juteux. Elle sera attaquée. (...)
Le système est dans une impasse. M. Sarkozy ne tient pas tête. Les socialistes capitulent. Et nous ? On résistera sans concession ! Ceux qui viendraient nous prendre à la gorge seront servis, parce que l’emprunteur a toujours la capacité de ne rien rendre. Que tout le monde gagne sa vie, d’accord, mais pas sur le dos du peuple français, avec des taux d’intérêt à 10% ou 15% ! Pour cela il faut modifier la gestion de la monnaie unique. Il faut changer le statut de la Banque centrale européenne. Là est la clef de tout. Les libéraux ont pris la clef, l’ont jetée au fond de la mer et disent : « Il n’y a pas de clef, il n’y a pas de porte, on ne touche à rien ». (...)
Madame Merkel nous dit : « Oui, mais si jamais ils ne payent pas la dette, les banques vont s’écrouler ». Et nous en sommes là. Tout ça va se casser la figure. Nous ne savons pas à quel rythme, mais c’est parti pour. Récupérons la clef ! Comment construire le rapport de force ? En mettant en place les mesures techniques qui permettront d’assainir la sphère financière. Nous les proposons à tout le monde, et nous les appliquerons dans notre pays. Ce n’est pas à nous d’avoir peur. C’est ceux qui comptent sur notre bêtise pour continuer à les engraisser, sans aucune justification. Il est normal que tous ceux qui apportent quelque chose à la production reçoivent un retour. Mais ceux qui ne sont pas raisonnables de bon gré, le seront donc par la force ! Celle de la loi. (...)
Le premier élément du rapport de force, c’est le peuple conscient, intervenant, impliqué. On ne peut pas gagner en étant enfermé à l’Élysée ou dans trois ministères. Et en Europe ? Nous allons convaincre. D’une frontière à l’autre, il n’y a que des êtres humains, semblables dans leurs aspirations, leurs besoins, leurs amours. Je suis certain que la parole de la France serait entendue. (...)
Nous sommes un grand peuple, éduqué, formé. Celui de la grande révolution de 1789 ! Notre devoir est de résister les premiers. Quand un pays résistera, la peur changera de camp, plus personne ne voudra céder. Les Islandais l’ont fait, en disant par référendum « on ne paie plus ». Ils s’assoient sur leurs dettes. Leur première décision : élire une Constituante. Grande leçon ! (...)
Ce que subissent aujourd’hui les Grecs, c’est la violence d’une Europe autoritaire. Je ne demande qu’à être démenti par les faits ! Vérifions par les urnes ! En Grèce, faites voter ! L’Union européenne préfère imposer ses pillages par la force. Sitôt qu’on entre dans le vif du sujet, les masques tombent : la liberté et la démocratie sont de notre côté, l’oppression, la tyrannie, les méthodes violentes sont du leur.
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D’abord il y a le mot « révolution », il ne faut pas le brader. « Révolution », cela touche des domaines bien précis. Premièrement, les institutions : fin de la monarchie présidentielle, bataille pour la 6ème République et Assemblée constituante. Ensuite, une modification du régime de la propriété. Dans la révolution citoyenne, certains secteurs d’activité sortent de la propriété capitaliste et du marché : l’éducation, l’énergie, les transports, la santé, l’argent lui-même qui doit redevenir un bien commun. Troisième élément, la modification de la hiérarchie des valeurs : ce ne sera pas la concurrence libre et non faussée ou la liberté du commerce, mais la coopération et la soumission de toute décision à l’impératif de conservation de l’écosystème qui rend la vie humaine possible. Cette révolution est « citoyenne ». L’adjectif n’est pas là pour adoucir ou faire passer la pilule. Il veut dire que le moyen de la révolution égale sa fin. Le moyen, c’est l’action consciente et délibérée – au sens de mise en délibération – du peuple qui exerce le pouvoir. Chaque personne devient citoyenne (...)
C’est dans le bruit et la fureur que les choses se construisent à présent. Nous sommes à une période où les êtres humains ont intérêt à savoir ce qu’ils veulent, parce que s’ils ne « savent » pas, l’impact de leurs propres activités va s’imposer à eux. L’écosystème va être détruit. C’est un moment angoissant mais superbe aussi. Nous sommes en pleine responsabilité, comme lorsque on devient adulte. (...)
La révolution citoyenne est une révolution humaniste qui commence, qui passe et qui finit par l’humain. Et ce mouvement-là englobe tout, l’écosystème et aussi les règles sociales.
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L’enjeu est de savoir qui propose à toute la société un nouvel horizon. Ce n’est que comme ça que nous arriverons à rassembler de nouveau le peuple : sur une perspective pour tourner la page, une vraie perspective de rupture.
(...) Wikio