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Justice confinée La prison sans attestation
Article mis en ligne le 6 mai 2020

« Violation habituelle des règles de confinement » : les tribunaux sont devenus familiers de ce nouveau délit passible de six mois de prison. Tour de France de ces incarcérations contestées.

« Les faits sont simples mais extrêmement répétitifs. » Début avril dans un tribunal du Pas-de-Calais, une juge souffle ces mots au prévenu posté devant elle. Cet habitant de Lens a été contrôlé quatre fois sans attestation de déplacement. Passé trois fois en trente jours, la contravention devient délit. Ceux qui le commettent peuvent être condamnés à six mois de prison pour « violation habituelle des règles de confinement » [1]. Et à en croire les statistiques, la disposition n’est pas simplement dissuasive mais bien réelle puisqu’à la mi-avril, au moins 138 mois de prison ferme avaient déjà été distribués en France sur ce motif (...)

Et la somme de tous les articles sur le sujet peine à répondre à une question centrale : quelles sont les motivations des magistrats qui prononcent des peines de prison ferme, alors même que le gouvernement a donné pour consigne de limiter les incarcérations pendant la crise sanitaire ? Après un petit tour de France de ces centaines de faits divers, noircissant les colonnes des journaux de Lens à Ajaccio et de Nantes à Grenoble, on peut conclure une chose : les faits sont simples et extrêmement répétitifs.
Le mur des jugements

En l’espace d’un mois, une quarantaine de personnes ont été incarcérées avec mandat de dépôt, donc sans aménagement possible. Ce chiffre ne concerne que les personnes condamnées. Pour déterminer combien de personnes dorment en prison suite à des violations du confinement, il faudrait disposer d’une autre donnée, bien plus délicate à obtenir au niveau national : le nombre de détentions provisoires. (...)

Des antécédents et du soleil

Certains tribunaux se montrent plus sévères que d’autres. Béziers (Hérault) se situe dans le haut du palmarès. Sur la seule audience du 9 avril, trois hommes y ont été condamnés pour violation du confinement. Même peine pour tous : trois mois de prison avec mandat de dépôt. Mêmes profils aussi. À chaque fois, « de nombreux antécédents judiciaires », note Midi Libre. Nous n’en saurons pas plus. D’ailleurs, la défense des prévenus n’est que rarement rapportée par la presse. Le confinement ne facilite pas le travail des journalistes judiciaires, puisque la plupart des tribunaux ont décrété le huis clos des audiences.

Il faut donc bien souvent se contenter d’explications lacunaires. « Il fait beau, il y a du soleil », aurait expliqué un homme interpellé sans attestation près de Montbéliard (Doubs), selon L’Est républicain. Autre justification, dans le Var : « Il a affirmé ne pas pouvoir se passer de sa copine », explique brièvement le quotidien Var Matin après l’arrestation d’un premier suspect dans le département. Cela ne date pas d’hier, la légèreté s’invite régulièrement à la rubrique « Faits divers » des journaux. Mais la misère humaine n’est jamais très loin.
Errer sur la voie publique

Comme le rapporte le site de France 3 Côte d’Azur : « Il n’existe pas de profil type de contrevenant. Parmi eux, un mineur de 16 ans présentait des problèmes d’équilibre psychique et ne semblait pas conscient de ses actes. Il y avait également une personne a priori sous tutelle qui errait sur la voie publique sans se rendre compte de la situation dans laquelle elle se trouvait. »

Le 14 avril, un homme est repéré en train de nager au large de Nice. Après quatre verbalisations pour violation du confinement, il est condamné à deux mois de prison aménageables. « Vous avez remarqué que les règles de vie ont changé depuis quelque temps », lance le juge, cité dans Nice Matin. Réponse du prévenu : « J’ai des crises d’angoisse. »

Du côté d’Annecy (Haute-Savoie), un habitant est jugé le 15 avril après huit verbalisations. Il s’en explique à l’audience : « Je suis déconnecté, j’ai des problèmes d’alcool et de bipolarité », retranscrit l’hebdomadaire Le Messager. Le prévenu est chauffeur poids lourd au chômage et a déjà connu la prison six fois. Son avocat décrit « un homme malade, dans son monde, déconnecté de la réalité ». Il est condamné à un mois avec sursis.

Le 20 avril, le drame survient au tribunal correctionnel de Nantes. Ismaël, Palestinien en fauteuil roulant, sans domicile et sans argent, est jugé pour violation du confinement et vol de chaussures. Il est condamné à deux mois de prison avec mandat de dépôt. À l’annonce du jugement, Ismaël tente de s’ouvrir les veines avec une lame de rasoir. L’histoire est rapportée par Ouest-France et l’article s’ouvre ainsi : « La Justice pénale ne serait-elle pas, elle aussi, déstabilisée par la crise sanitaire ? » Une journaliste était présente à l’audience ce jour-là : la sinistre scène a pu nous parvenir. Mais rien n’indique que d’autres drames ne se sont pas joués dans l’ombre, ailleurs, dissimulés par le huis clos qui maintient la justice au secret. (...)

Des antécédents et du soleil

Certains tribunaux se montrent plus sévères que d’autres. Béziers (Hérault) se situe dans le haut du palmarès. Sur la seule audience du 9 avril, trois hommes y ont été condamnés pour violation du confinement. Même peine pour tous : trois mois de prison avec mandat de dépôt. Mêmes profils aussi. À chaque fois, « de nombreux antécédents judiciaires », note Midi Libre. Nous n’en saurons pas plus. D’ailleurs, la défense des prévenus n’est que rarement rapportée par la presse. Le confinement ne facilite pas le travail des journalistes judiciaires, puisque la plupart des tribunaux ont décrété le huis clos des audiences.

Il faut donc bien souvent se contenter d’explications lacunaires. « Il fait beau, il y a du soleil », aurait expliqué un homme interpellé sans attestation près de Montbéliard (Doubs), selon L’Est républicain. Autre justification, dans le Var : « Il a affirmé ne pas pouvoir se passer de sa copine », explique brièvement le quotidien Var Matin après l’arrestation d’un premier suspect dans le département. Cela ne date pas d’hier, la légèreté s’invite régulièrement à la rubrique « Faits divers » des journaux. Mais la misère humaine n’est jamais très loin.

Errer sur la voie publique

Comme le rapporte le site de France 3 Côte d’Azur : « Il n’existe pas de profil type de contrevenant. Parmi eux, un mineur de 16 ans présentait des problèmes d’équilibre psychique et ne semblait pas conscient de ses actes. Il y avait également une personne a priori sous tutelle qui errait sur la voie publique sans se rendre compte de la situation dans laquelle elle se trouvait. » (...)

Convaincus que le délit de violation de confinement n’est pas conforme à la Constitution, des avocats de différents barreaux ont déposé des QPC (questions prioritaires de constitutionnalité). Après examen le 12 mai, la Cour de cassation décidera si elle saisit (ou non) le Conseil constitutionnel. Le cas échéant, ce dernier tranchera la question. De nombreux avocats sont solidaires de la démarche : c’est le cas d’Arié Alimi, qui exerce au barreau de Paris. (...)