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la Tribune
L’Allemagne se prépare à l’arrivée d’une pauvreté de masse
Article mis en ligne le 13 novembre 2019

Les bas salaires progressent fortement en Allemagne. Plus d’un retraité sur cinq vivra sous le seuil de pauvreté dans 20 ans

Malgré la pauvreté qui augmente chez les personnes âgées, l’Allemagne n’a toujours pas engagé une réforme de fond de son système de retraite par répartition. Plus les années passent, plus le nombre de retraités qui vivent dans la précarité progresse. Selon le dernier rapport de l’Institut de conjoncture à Berlin (DIW), plus d’un retraité sur cinq (21,6%) vivra sous le seuil de pauvreté dans vingt ans, contre 16% aujourd’hui.

Ces chiffres sont d’autant plus alarmants qu’ils sont calculés avec l’hypothèse d’une économie évoluant « positivement ». « Le fond du problème n’a pas été réglé », constate Johannes Geyer, l’auteur de l’étude. (...)

« Les retraités glanent aujourd’hui des bouteilles consignées pour arrondir leurs fins de mois. Ils n’ont plus honte », déplore Sabine Werth, directrice de la soupe populaire de Berlin. « Le développement du secteur des bas salaires décidé par le gouvernement social-démocrate de Gerhard Schröder (ndlr : dans les années 2000) a été une catastrophe. Les retraités sont de plus en plus nombreux à venir chez nous », insiste la bénévole.

Selon le DIW, l’Allemagne compte 6,5 millions de contrats en « minijob », qui permettent une dispense partielle des cotisations sociales. Or, 4,5 millions de ces derniers sont considérés comme l’emploi principal des gens concernés, et non pas, comme le voulait l’idée de départ, un job d’appoint. « Tous ces gens seront dans des situations de précarité quand ils arriveront à la retraite », prévient Sabine Werth.

« Les retraités d’aujourd’hui ont également une biographie complètement différente de leurs aînés. Ils n’ont pas accumulé autant de trimestres – ou points – parce que le marché du travail s’est transformé. Ils comptent plus de périodes de rupture (chômage, formation, etc.) et ont moins cotisé », ajoute Johannes Geyer. (...)

L’introduction en 2015 du salaire minimum (8 euros 50 de l’heure) n’a pas réglé le problème. Les cotisations restent trop faibles. « Il faudrait être payé au moins 14 euros de l’heure. Un tiers de la population active est en dessous de ce barème », remarque Ulrich Schneider, président de l’Union des associations caritatives d’Allemagne.

Pour freiner les effets pervers du système, le gouvernement prépare un projet de loi sur une retraite minimum accordée à ceux qui ont cotisé au moins trente-cinq ans. « Mais elle concernera surtout les classes moyennes. Elle ne permettra pas de lutter contre la pauvreté. Ceux qui n’ont pas cotisé cette durée resteront à l’aide sociale, qui est très faible, comme les chômeurs de longue durée, les travailleurs indépendants, qui n’ont pas d’obligation de cotiser, et les étrangers qui sont arrivés tard dans le pays », poursuit l’expert.

Le phénomène devrait s’amplifier avec l’arrivée à l’âge de la retraite des chômeurs de longue durée est-allemands qui n’ont jamais retrouvé de travail après la réunification. (...)