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L’Europe doit mettre un terme à la déforestation importée
Article mis en ligne le 16 novembre 2018
dernière modification le 15 novembre 2018

Le rythme de consommation de l’Europe détruit la forêt sur les autres continents. Les signataires de cette tribune appellent gouvernements et entreprises à réduire de moitié l’« empreinte forêt » de la France d’ici 2020, soit moins de 400 jours !

Mercredi 14 novembre, le gouvernement s’est doté d’une Stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI), qui vise à « mettre fin d’ici 2030 à la déforestation causée par l’importation de produits forestiers ou agricoles non durables ». C’est un premier pas important pour lutter contre la déforestation avec, en particulier, une volonté affichée de vouloir porter cette ambition à l’échelle européenne. Cependant, cette avancée ne va pas assez loin car elle n’est pas contraignante et il y a urgence de mettre fin à la déforestation importée bien avant 2030, et à la réduire de moitié d’ici 2020 !

À cette occasion, nous, citoyens conscients et associations françaises luttant à travers le monde pour la préservation des forêts, lançons un appel aux décideurs publics et privés pour mettre en place des mesures contraignantes pour mettre fin à la déforestation importée dès 2020.

L’urgence est flagrante. Chaque année, ce sont plus de 13 millions d’hectares bruts de forêt qui disparaissent dans le monde selon la FAO [1], et cette déforestation est en constante progression dans les régions de forêts tropicales, où elle affecte populations locales et peuples autochtones. Ces dernières sont pourtant primordiales pour la conservation de la biodiversité et des puits de carbone phénoménaux qui jouent un rôle majeur dans la lutte contre les conséquences du changement climatique.

Malgré la signature de la déclaration de New York sur les forêts en septembre 2014 (dont l’objectif était de « réduire les pertes forestières naturelles de moitié d’ici 2020, en s’efforçant d’y mettre fin d’ici 2030 ») ou les engagements « zéro déforestation d’ici à 2020 » affichés par de nombreuses entreprises, force est de constater que nous sommes très loin du but. Par ailleurs le contexte politique international n’est pas favorable, puisque des traités internationaux emblématiques sont remis en question. L’Europe s’engage, mais demeure le continent qui génère le plus de déforestation importée [2], c’est-à-dire qu’à travers ses importations, elle provoque indirectement de la déforestation dans d’autres régions du monde. Certains produits comme le soja, l’huile de palme, le cacao et le caoutchouc sont particulièrement concernés.

Sans des décisions fortes des gouvernements et entreprises, « zéro empreinte forêt » est impossible (...)

Les décideurs nous imposent leurs choix

Quant à l’huile de palme, responsable de 61 % de la déforestation en Indonésie, c’est la même chose. Le consommateur a permis, par ses choix, de réduire l’usage de l’huile de palme alimentaire de 25 % entre 2010 et 2018. Pourtant, dans le même temps, l’usage d’huile de palme non alimentaire a explosé en France et la consommation totale d’huile de palme a augmenté de 325 % à cause de sa présence dans les carburants ! L’usage des agrocarburants est imposé par une directive européenne, et l’huile de palme est le premier biocarburant utilisé. (...)

Le tableau n’est cependant pas entièrement noir car c’est aussi grâce à notre mobilisation en tant que consommateurs (et notamment celle sur l’huile de palme ici en France) que les pays d’Asie du Sud-Est commencent à mettre en place des mesures contraignantes. Les choses bougent. C’est pourquoi, nous, citoyens et acteurs engagés de la préservation des forêts, sommes convaincus que nous pouvons faire pression sur les décideurs.

En ce sens, nous saluons plusieurs avancées marquantes de la SNDI. La loi française sur le devoir de vigilance, qui indique que toute entreprise doit identifier et atténuer ses impacts environnementaux et sociaux y compris dans sa chaine d’approvisionnement, sera défendue à l’échelle de l’Union européenne afin d’instaurer une réglementation pour l’ensemble des matières premières. Par ailleurs, la SNDI prévoit la création d’un outil innovant par la création d’une plateforme nationale de lutte contre la déforestation ouverte à tous les acteurs. Cette plateforme devra permettre notamment le suivi des engagements « zéro déforestation » des acteurs privés et de faciliter la traçabilité dans les chaines d’approvisionnement. Nous rappelons que beaucoup d’entreprises en restent à l’étape des déclarations et ne mettent pas les moyens nécessaires pour leurs mises en œuvre.

Des mesures concrètes à prendre
Cependant le maintien d’un objectif de « zéro déforestation » à un horizon 2030 demeure beaucoup trop éloigné et serait un très mauvais signal envoyé par l’État aux parties prenantes. Alors, pour arriver à « zéro empreinte forêt », décideurs, c’est maintenant ! (...)