
Soixante blessés, dont 27 policiers : n’allez pas nous déranger pour si peu. Même après des heures de violents affrontements avec la police, aux alentours du Parlement, le manifestant madrilène indigné ne fait pas la une des radios du matin. On le remise dans les profondeurs du journal de France Inter, loin loin loin derrière « l’évènement de la nuit » : les soupçons de trucage d’un match de handball.
Il a droit à quelques phrases, en passant. Pas d’envoyé spécial haletant, en direct. Pas de bilan minute par minute. Pas de micro-trottoir. On en a même oublié son petit nom si pittoresque, « Indignado ». On est poli : on ne le passe pas entièrement sous silence. On le reçoit, mais en bout de table.
Certes, les balles en caoutchouc, ça fait mal
Certes, l’« Indignado » fait valoir ses droits à la médiatisation. Il tentait d’accéder au Parlement, ce n’est pas rien ; il a préparé sa manif de longue date sur Twitter, c’est moderne ; il est le sujet d’une iconographie abondante, ça pourrait aider ; il bat tous les records européens de précarité, c’est notable ; la police a tiré des balles en caoutchouc, c’est douloureux : autant de bons points, qui le sauvent de l’oubli total, et lui ouvrent des droits à la médiatisation minimum.
Mais quel balourd : il a le malheur d’être à contretemps. La crise est entre parenthèses. « Lémarchés » regardent ailleurs. (...)