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Observatoire des Inégalités
L’école peut-elle réduire les inégalités sociales ?
Article mis en ligne le 17 décembre 2013
dernière modification le 13 décembre 2013

Face aux inégalités sociales, l’école ne peut pas tout. Mais elle ne fait pas assez. Et certaines réformes ont même accentué les écarts. Une analyse de Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités.

Se demander si l’école peut réduire les inégalités a quelque chose d’incongru. C’est l’une des fonctions principales de l’école de la République laïque et gratuite, qui a vocation à instruire tous les enfants sans distinction. En théorie, elle doit donc permettre à chacun d’eux d’accéder à l’ensemble des diplômes possibles et, partant, à toutes les positions sociales. Dans les faits, les inégalités font de la résistance.

Les inégalités sont en partie indépendantes de l’école

Plusieurs facteurs poussent à la montée des inégalités sociales, sans que le système éducatif n’y puisse grand chose.

Dans des sociétés où les savoirs formels prennent de plus en plus d’importance, le diplôme joue un rôle croissant dans la définition des positions sociales. C’est moins l’école elle-même que la croyance des employeurs dans la valeur des « titres » scolaires qui est en jeu. Réussir sans-qualification scolaire est difficile. Ce phénomène est renforcé en France, dans la mesure où l’expérience professionnelle est moins prise en compte qu’ailleurs par les employeurs. Pour ne rien arranger, la formation continue bénéficie en priorité à ceux qui ont déjà une bonne formation initiale, limitant encore les chances de réduction des écarts.

La valeur donnée au diplôme n’est pas cependant le seul élément discriminant : d’autres facteurs limitent le rôle de l’école quand il s’agit de déterminer les positions sociales. Que ce soit pour décrocher un stage, des informations sur les professions, voire des coups de pouce plus ou moins explicites pour obtenir tel ou tel emploi, l’influence du milieu social familial est grande.

La dégradation du marché du travail aggrave les choses (...)

La hausse du chômage a entraîné dans son sillage une montée de la pauvreté, qui frappe notamment les familles monoparentales. Ce qui place les enfants des familles les plus démunies dans des conditions d’études délicates (...)

La montée des inégalités se traduit de plus par une ségrégation spatiale croissante : l’écart entre quartiers riches et quartiers pauvres se creuse. Des zones entières marquées par une forte dégradation du bâti et des niveaux très élevés de chômage émergent. Du coup, les plus défavorisés étudient de plus en plus souvent avec d’autres enfants défavorisés... Or la mixité sociale à l’école est une des conditions pour qu’elle puisse contribuer à la réduction des inégalités. (...)

Malgré la crise, l’élévation du niveau scolaire de l’ensemble de la population s’est poursuivie au cours des années 80 et 90. Elle a profité aussi aux plus démunis. Avant 1960, moins d’un dixième des enfants atteignaient le bac, contre plus de 70 % aujourd’hui. (...)

Au-delà des moyens, le système scolaire s’est aussi démocratisé sans transformer ses méthodes pédagogiques. Les enfants basculent du primaire au collège dans un système d’enseignement qui reste parmi les plus académiques au monde. Il fonctionne pour beaucoup sur la sélection par l’échec et sur la peur qu’elle suscite. L’évaluation est permanente jusqu’au bachotage, tandis que les moyens mis à la disposition des enfants et des jeunes pour les aider et les soutenir dans leur travail personnel restent dérisoires dans le cadre du système lui-même. A ce jeu, les catégories les plus défavorisées sont fatalement perdantes.

Résultat : le fonctionnement de l’école est de plus en plus montré du doigt (...)

Le système scolaire français, en dépit de ses dysfonctionnements, demeure l’un des meilleurs au monde. Il ne peut pas tout contre les inégalités, mais encore faudrait-il que les politiques publiques ne le rendent pas davantage inégalitaire... La réforme en cours a pour l’instant totalement oublié l’essentiel : la façon d’enseigner et le type de savoirs. Le problème principal aujourd’hui semble être la faible mobilisation des parents et des acteurs du monde éducatif : la question des inégalités à l’école semble désormais secondaire par rapport à la production d’une élite d’excellence.