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L’épidémie SVS : Retour d’expériences et critiques de l’association « Stop aux Violences Sexuelles »
Article mis en ligne le 26 décembre 2019

Suite à notre participation à une formation proposée par l’association « Stop aux Violences Sexuelles », formation dont nous sommes très critique, nous avons rédigé un texte pour témoigner et expliciter nos désaccords avec SVS.

(...) Il ne nous aura pas fallu beaucoup de temps pour nous rendre compte que le discours porté par l’association nous dérangeait sur certains points. Ce sont les discussions qui ont suivi cette première journée qui nous permettent de pouvoir clairement exprimer nos nombreux désaccords avec SVS.

L’éradication : une stratégie portée haut et fort

La stratégie présentée toute la journée par l’association qui a attendu 17h pour expliciter qui elle était et quelles étaient ses perspectives, est basée sur une présentation des violences sexuelles comme étant une « maladie contagieuse » [1] contre laquelle il est nécessaire d’appliquer une « stratégie d’éradication d’épidémie ». [2]
Certes imagée durant la présentation, cette analogie est portée sans nuance par l’association : Elle a pour objectif « non pas de lutter contre les violences sexuelles mais de les éradiquer ». [3]

En clair, pour ces personnes, la seule cause des violences sexuelles est la violence sexuelle en elle-même. Comme on peut le lire dans un article présent sur leur site, « l’agresseur, lui-même, souvent une ancienne victime qui a érotisé d’anciens abus sexuels, devra payer sa dette et être marqué du sceau de l’infamie ». [4] Cette unique vision de l’agresseur comme (ancienne) victime « mal guérie » inhibe complètement les autres causes – on y reviendra plus tard. Elle met dans une position de culpabilité les victimes puisque, comme ils le disent si bien, « une victime est un malade avec un potentiel infectant » [5] : selon SVS, qui dit agresseur dit ancienne victime, donc qui dit agressée dit potentiel futur agresseur ?
Même si nous comprenons l’intention, et que dans de nombreux cas un travail de soin peut être pertinent, il ne nous semble pas correct d’affirmer que la menace de devenir agresseur repose sur toutes les « victimes ». (...)

D’ailleurs, ne serait-il pas intéressant de questionner l’emploi de ces deux seuls mots pour parler de centaines de réalités, de situations et de personnes uniformisées par les termes « victime » et « agresseur » ? (...)

Occulter la vision systémique

Nous sommes surprises par tout ce qui est occulté par la stratégie SVS : qu’en est-il du poids de la société sur les violences sexuelles ? Comment ne pas aborder les normes genrées et le sexisme qui conditionnent nos comportements et nos rapports sociaux ? Comment peut-on éviter le sujet de la domination masculine ? Pourquoi ne pas aborder le sujet de l’éducation aux sexualités, qui nous semble indispensable pour éviter ces violences ?

Nous sommes en colère d’entendre de la part du président de SVS 13 que « la culture du viol [6] n’existe pas », de lire sur leur site que « la violence sexuelle concerne hommes et femmes dans des proportions très proches » [7] et de se faire rabattre les oreilles par la « pédophilie au féminin » utilisée à tout bout de champ pour rappeler que les hommes ne sont pas seuls responsables et que les gestes de maternage sont la porte ouverte aux gestes déplacés. (...)

Le recours à la justice apparaît comme la seule solution aux agressions sexuelles et aucune critique du système judiciaire et carcéral n’est amenée. On entendra même une des animatrices dire qu’« il faut mettre tous les agresseurs en prison ». Pourtant, dans l’amphithéâtre, ça remue. Certaines femmes témoignent des énormes difficultés à être entendues et considérées lors de leur démarche de dépôt de plainte mais leurs propos sont très vite balayés par les personnes animant la journée qui leur répondent que « cela s’améliore » car les policiers « sont de plus en plus formés ».

Nous ne remettons pas en cause le fait que la démarche de dépôt de plainte puisse être salvatrice et nécessaire pour certaines personnes. Par ailleurs, au vue du peu d’efficacité de la justice sur ces questions et des difficultés psychologiques, juridiques (apport de preuves) et structurelles de ces démarches, nous ne pouvons pas laisser dire qu’il s’agit de LA solution.
Il suffit, par exemple, d’ouvrir le site du Planning Familial pour se rendre compte que beaucoup d’autres possibilités sont proposées (...)

Une seule approche pour une seule vision

La pensée et la stratégie de SVS sont basées sur les travaux d’une unique personne, le docteur Violaine Guérin.
Présidente et créatrice de l’association, elle semble avoir fait un travail qui porte principalement sur la pédophilie et non sur l’ensemble des violences sexuelles, et a avant tout une approche médicale et scientifique de ces thématiques. Cela peut poser question quand on constate que ses ouvrages sont de nombreuses fois cités durant la présentation et qu’ils sont les seuls vendus à l’entrée de l’amphithéâtre. [8] Ils constituent également la seule ressource de données scientifiques utilisées par l’association, (...)

Nous voulons enfin relever que les bénévoles nous ont tous semblé être des thérapeutes et professionnels du soin défendant l’intérêt de leur métier dans la « reconstruction post-violence sexuelles (...)

Ajoutons également que le milieu médical est loin d’être irréprochable puisque, comme dans les domaines de la justice et de la police, de forts rapports de domination existent et les pouvoirs dont disposent ces institutions peuvent être violents et abusifs. (...)

L’association a un fort impact au niveau du territoire puisqu’il existe 29 antennes départementales. Elle a également l’ambition de se développer à l’international. À raison de dizaines de formations par an un peu partout en France et d’une moyenne de 100 participants à chaque session [9] la « propagation » de leurs idées peut se révéler efficace. La diffusion massive de ces schémas univoques, pathologisants, et occultant toute prise en compte de rapports sociaux plus complexes, associée à une stratégie carcérale et victimaire, nous paraît inefficace pour lutter contre les violences sexuelles, voire dangereuse d’un point de vue idéologique.

Nous nous questionnons réellement sur les intentions de l’association. (...)