
Chacun sait ou devrait savoir que, dans un monde de plus en plus urbanisé, les guerres à venir seront principalement pour ne pas dire exclusivement urbaines. Et que les frontières entre ennemis extérieurs et intérieurs sont appelées à totalement s’effacer.
(...) En haut lieu, c’est-à-dire dans des instances qui échappent complètement au regard et, à plus forte raison, au contrôle des citoyens, des préparatifs sont déjà engagés pour venir à bout des soulèvements populaires que le retour du capitalisme à la sauvagerie de ses débuts ne manquera pas de provoquer. Une sauvagerie sophistiquée propre à ce que les stratèges chargés de la mettre en œuvre appellent « guerres de basse intensité », où les dernières avancées scientifiques et techniques seront mises au service de la répression, comme elles le sont déjà au service de l’exploitation. (...)
Ainsi en va-t-il des techniques de contre-insurrection urbaine mises au point pour briser toute tentative de subversion et de sédition dans les métropoles du futur. Dans la panoplie sans cesse enrichie des artefacts élaborés à cette fin figurent des robots-tueurs autonomes. Ils seront capables non seulement de détecter, sélectionner et détruire leur cible à partir de décisions fondées sur des algorithmes informatiques, sans aucune intervention humaine, mais de distinguer les cibles des non-cibles. c’est-à-dire les ennemis à abattre des alliés à épargner, grâce à des logiciels de reconnaissance.
Dans les centres de recherche publics ou privés financés par le Pentagone, on s’active déjà à mettre au point et tester à coups de simulations électroniques des « protocoles éthiques » [sic] greffés sur des drones sans pilote, des missiles, des bombes ou des engins terrestres conçus pour survoler une ville ou patrouiller dans un quartier, à la recherche des « bonnes cibles » à éliminer. (...)
une étape supplémentaire est en voie d’être franchie dans l’innovation meurtrière avec la « rencontre entre la nanotechnologie et la génétique » qui, selon Stephen Graham, « va ouvrir une nouvelle ère de guerre biologique, une guerre qui se jouera à une échelle microscopique ». (...)
La DAPA (Defense Advances Research Projects Agency), soit l’« agence pour les projets de recherche avancée de défense », succursale scientifique du département de la Défense des États-Unis chargée, en collaboration avec les laboratoires militaires israéliens, de la recherche et développement des nouvelles technologies destinées à un usage militaire, a lancé en 2006 un programme nommé Hybrid Insect. Comme son nom le suggère, il consiste à truffer d’électronique miniaturisée des insectes réels pour en faire des papillons ou des coléoptères cyborgs téléguidables. « En introduisant de la microélectronique dans la chrysalide, on produit un insecte cyborg contrôlable à distance dès qu’il quitté son cocon. » (...)
Ainsi pourrait-on envisager « des systèmes de video-surveillance capables d’investir et d’habiter en permanence n’importe quelle ville ou quartiers ennemis »3. Bien plus, on songe déjà à déployer un type inédit d’armement microscopique : des essaims d’insectes cyborgs aptes à inoculer des maladies, mortelles ou non, à effets foudroyants ou différés. (...)
Ce qui précède est une illustration parfaite, c’est-à-dire mortifère, de ce dont s’évertuent à nous prévenir de rares observateurs lucides à propos de ce que l’on persiste à identifier comme « le progrès », malgré les deux dernières guerres mondiales, Auschwitz et Hiroshima, et maintenant la soi-disant « guerre contre le terrorisme », avec ses centres de torture secrets souvent « délocalisés et ses « exécutions extrajudiciaires ». À savoir que les avancées scientifiques et techniques conjuguées avec le maintien des rapports de production capitalistes qui en déterminent l’orientation et l’utilisation, ne peuvent qu’engendrer une régression d’ordre à la fois intellectuelle, éthique et politique, pour ne pas dire une barbarie accrue, fût-elle new look5.