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France Culture
L’impasse de la pauvreté
Article mis en ligne le 16 juin 2021

Véronique Devise vient d’être élue présidente du Secours catholique. C’est l’occasion de rappeler que la pauvreté s’est aggravée dans notre pays sous l’effet de la crise sanitaire.

Cette ancienne assistante sociale était en première ligne face à la crise migratoire. Elle succède à Véronique Fayet, arrivée à la tête du Secours catholique en 2014. Celle-ci, qui venait d’ATD Quart Monde, a accordé un entretien en forme de bilan à La Croix L’Hebdo. Elle souligne qu’avec la crise sanitaire, "ceux qui étaient en situation précaire ont basculé dans la pauvreté : ils ne peuvent plus recourir aux petits revenus informels qui leur permettent de survivre". Les aides ponctuelles ne créent pas les conditions pour rebondir.

Véronique Fayet dénonce le "grossier préjugé" selon lequel si l’on aide les pauvres, "ils ne vont plus vouloir travailler". Elle se dit "favorable à une augmentation des minima sociaux, accessibles aussi aux moins de 25 ans, et assortie d’un véritable accompagnement vers l’emploi. Quand on voit qu’au 1er avril, le RSA a augmenté de 50 centimes pour une personne seule, c’est honteux" s’indigne-t-elle. Quant à la réforme de l’assurance-chômage, qui entre en vigueur au 1er juillet, elle prévoit qu’elle "va faire basculer des milliers de personnes dans la pauvreté". Et elle souligne le rôle du Secours catholique, fort de 60 000 bénévoles à travers la France, dans la connaissance de la pauvreté, grâce au rapport très détaillé livré chaque année par l’association.

"Réenchanter politiquement la solidarité"

La revue La nuit publie un grand entretien avec l’historienne Axelle Brodiez-Dolino, qui rappelle que depuis l’instauration des lois sociales, l’assistance n’est plus seulement un "devoir de charité" mais un droit. Ce sont, de 1893 à 1913, les lois sur l’aide médicale aux "indigents privés de ressources", sur les enfants assistés, sur les vieillards, les infirmes et incurables, les familles nombreuses... Alexandre Curnier et Gwénaël Porte, qui conduisent l’entretien, évoquent le préambule de la Constitution de 1946 qui indique que "la Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement" et qu’elle "garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs". (...)

Ce préambule est revendiqué dans la Constitution de 1958, il est donc toujours en vigueur. Pourtant, cette solidarité est souvent considérée comme de l’assistanat, un soupçon aussi ancien que l’assistance elle-même, et qui peut prendre aujourd’hui la forme d’une "injonction paradoxale" à "l’autonomie des assistés" : c’est le thème de la "responsabilisation", "qui ne fait que rendre les personnes responsables de leurs échecs sans leur avoir donné l’égalité des chances". Or, les minima sociaux maintiennent dans la pauvreté, et poussent leurs bénéficiaires à accepter "les emplois les plus durs, déqualifiés, pathogènes... et sous-payés."

Lutter contre la pauvreté, c’est aussi travailler pour la démocratie.

Car "ce qui coûte cher, ce n’est pas la lutte contre la pauvreté, ce sont les conséquences de la pauvreté" souligne Axelle Brodiez-Dolino. (...)

Après l’usine

Le "mensuel de critique et d’expérimentations sociales" CQFD publie un dossier Après l’usine. C’est la vraie "deuxième vague" de la pandémie : trente-six fermetures de sites industriels aux quatre coins de la France. Pour Danièle Linhart, le dédommagement versé aux ouvriers dont l’entreprise a fermé "ne répare pas le préjudice de la remise en question de leur monde". Les sociologues et géographes du collectif lillois Rosa Bonheur ont arpenté un territoire abandonné de l’industrie textile : Roubaix. Ils "racontent le précarité, la débrouille, la nostalgie et les solidarités des anciens ouvriers, mais aussi la lutte des classes pour l’espace urbain" face à la gentrification de nombreux quartiers. Les activités de subsistance relèvent de ce que Florence Weber appelle le "travail-à-côté" : bricolage, couture, soin à la personne, fabrication d’objets, mécanique, entretien du bâti... Anne Bory évoque "un système d’échange et de réciprocité » pour réhabiliter une forme de « centralité populaire". Et réinventer un équilibre social.