Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
contretemps
L’impôt des riches, l’impôt des pauvres : l’évitement du contrôle fiscal par les classes dominantes. Entretien avec Alexis Spire
Article mis en ligne le 20 avril 2013
dernière modification le 14 avril 2013

L’affaire Cahuzac n’est pas seulement un puissant révélateur de la collusion entre direction de l’Etat et milieux d’affaires. Elle traduit également ce "relâchement du contrôle sur les classes dominantes" dont parle Alexis Spire dans son dernier livre : Faibles et puissants devant l’impôt (Raisons d’agir, 2012). Pour Contretemps, celui-ci revient sur les principaux résultats de son enquête. (...)

Les modalités du contrôle de l’impôt ont connu une véritable révolution depuis les années 1970 : pour le dire vite, on est passé d’un contrôle à la gomme et au crayon à une mise en réseau systématique de toutes les données dont dispose l’administration. Ce changement dépasse d’ailleurs largement le seul cas de l’administration fiscale : l’outil informatique a totalement bouleversé l’emprise de l’Etat sur les populations placées sous sa surveillance. Dans l’ouvrage, je montre que cette révolution technologique s’est accompagnée dans les années 1990 d’un redéploiement du contrôle sur les catégories populaires, à la faveur de deux évolutions concomitantes. D’un côté, la mise en accusation des « assistés », soupçonnés d’« abuser » des subsides de l’État, a mis à la mode le thème de la « fraude sociale ». De l’autre, les progrès de l’informatique ont démultiplié les capacités de surveillance des contribuables percevant des revenus facilement identifiables (salaires, retraites, allocations de chômage et indemnités journalières de maladie). (...)

Mais tandis que se renforçait le contrôle sur les catégories populaires, plusieurs évolutions sont venues bouleverser le rapport de l’administration fiscale aux classes dominantes. Pour ceux dont la richesse et le patrimoine sont plus dispersés, les progrès induits par la généralisation de l’informatique ont été compensés par une injonction à privilégier négociations et transactions. Comme il s’agit de contribuables qui savent s’orienter dans les méandres de la procédure et choisir les bons intermédiaires du droit, ils ont pu tirer le meilleur parti des instances de conciliation que l’administration fiscale a mis en place ces dernières années.
(...)

Si, comme le montre Piketty, le système fiscal français est devenu régressif à partir d’un certain niveau de revenu, ce n’est pas seulement à cause des innombrables niches fiscales. C’est aussi en raison d’une gestion différentielle des illégalismes fiscaux qui tend à entériner, voire à amplifier, les inégalités déjà inscrites dans le droit.

Cette gestion différentielle découle en grande partie du fait que chaque type d’impôt laisse plus ou moins de marge de manœuvre à ceux qui doivent s’y soumettre. (...)

Depuis la fin des années 1990, d’importantes mesures ont été prises pour convertir la culture professionnelle des agents centrée sur le contrôle en une culture de la conciliation. La première étape intervient en 1999, lorsque le Directeur général des impôts - le socialiste Jean-Pascal Beaufret qui deviendra plus tard directeur financier d’Alcatel – popularise la notion floue et extensive d’« application mesurée de la loi fiscale » (...)