
L’énorme mobilisation populaire s’est retrouvée derrière la banderole clamant que "l’autodétermination n’est pas un délit, la démocratie c’est décider", reprise d’une phrase, ayant frappé les esprits, du principal accusé au procès des indépendantistes qui se déroule actuellement dans la capitale, l’ancien vice-président de la Généralité, Oriol Junqueras.
Les indépendantistes catalans ont gagné leur pari : samedi, dans les rues de Madrid, ils étaient des milliers, des dizaines de milliers à brandir une profusion d’esteladas et de drapeaux républicains. 70 000 ? 100 000 ? 120 000 comme annoncé par les organisateurs ? En tout cas sûrement pas les 18 000 qu’avancèrent, sans craindre le ridicule, les représentants du Gouvernement et de la police espagnole. (...)
Sans parler de la centaine de bus ayant fait le voyage depuis les quatre coins du pays, entre autres, sans surprise, depuis le Pays Basque ou la Galice, mais aussi depuis l’Aragon. Et surtout, signe irrécusable de la tournure politique inédite qu’a prise l’évènement, depuis l’Andalousie, cette autonomie que les droites, là aussi sous pression de l’extrême droite (2), avec le silence complaisant de certains à gauche, s’échinent à poser, récupérant le vieux fond du stéréotype national-flamenquiste, archi-usé sous le franquisme, comme l’emblème de l’anticatalanisme. Des Madrilènes aussi avaient pris place dans les cortèges. (...)
Bien évidemment cette énorme mobilisation populaire a pris le puissant sens politique que l’on imagine par ce qui est à sa racine et que la banderole de tête ainsi que les slogans repris par la foule exprimaient en une éclatante clarté : "l’autodétermination n’est pas un délit, la démocratie c’est décider", (...)
pour tous et toutes, emprisonner et condamner ces personnalités, c’est nier la volonté démocratique revendiquée par une majorité électorale régulièrement reconduite, c’est nier plus même que la volonté d’indépendance qui s’est exprimée majoritairement, malgré de terribles conditions de répression policière, par référendum le 1er octobre 2017, la volonté d’autodétermination, refusée par tous les Gouvernements, de gauche comme de droite, qui laisse pourtant ouvertes, démocratie oblige, toutes les options, pas seulement celle de l’indépendance. Il reste que, comme dit précédemment, l’objectif immédiat de défense des accusé.e.s, s’inscrit dans la démarche générale posant que la crise catalane, exponentiellement accrue par et depuis ce référendum d’autodétermination, est avant tout le révélateur d’une crise générale de la démocratie espagnole, de l’Etat espagnol, du régime issu de la Transition et de la monarchie parlementaire qui lui donne forme. (...)
En mobilisant le coeur même du concept d’autodétermination, l’indépendantisme catalan est venu s’adresser aux Madrilènes et à l’ensemble de l’Espagne pour leur dire que ce qui se passait en Catalogne, le déni de démocratie sur le terrain du "national" catalan, participait du déni plus général dont l’Etat espagnol se rend responsable et coupable au détriment de la majorité des Espagnols subissant de graves atteintes aux droits et libertés politiques par la criminalisation de toute manifestation, de toute contestation, qu’elle soit politique, associative ou syndicale, des pouvoirs en place. L’anomalie démocratique, portée à son paroxysme contre la Catalogne, est une guerre contre toutes les populations dans l’Etat espagnol. Les bases d’une convergence politique à l’échelle de toute l’Espagne sont donc réunies pour peu (mais que c’est difficile) que l’on s’extirpe de la diabolisation du catalanisme que l’Etat agite comme un épouvantail pour faire oublier ses turpitudes et se refaire une base large que sa propre corruption et celle des élites, qui sont son soutien "naturel", en fait social, ont dilapidée. Tel est l’autre volet du message que portait cette grande manifestation. (....)
L’autre élément important de ce rassemblement populaire fut le large éventail d’organisations qui y appelèrent (...)
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Réponse aux sénateurs signataires de la pétition « Pour le respect des libertés et des droits fondamentaux en Catalogne » publiée sur Médiapart le 24 mars 2019.