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L’oligarchie japonaise rêve de la bombe atomique
Article mis en ligne le 6 octobre 2012
dernière modification le 2 octobre 2012

La sortie du nucléaire civil est prévue au Japon pour les années 2030. Mais le potentiel de production de plutonium militaire à Rokkasho reste intact. Dans un contexte de tension avec la Chine, le parlement japonais vient de voter un texte ouvrant la voie à l’élaboration d’un armement nucléaire.

Alors que certains médias français se sont précipités pour annoncer « l’arrêt total de la production nucléaire au Japon d’ici 2030 » (il s’agit en fait d’« amener la production nucléaire à zéro pendant les années 2030 »), peu (voire personne) n’ont mentionné ni la relance simultanée de la politique japonaise d’exportation de sa technologie nucléaire, ni même le fait que le plan de retrait annoncé puisse être totalement révisable tous les trois ans, ne donnant ainsi aucune garantie à sa pérennité après 2015. Enfin, ne figure aucune mention du sort qui sera fait, si le scénario du retrait voyait effectivement le jour, à la filière de retraitement du combustible, d’extraction de plutonium et de fabrication de MOX.

Et pour cause : d’après le Yomiuri du 14 septembre, le gouvernement envisage de continuer ses activités de (re)traitement en conformité avec la politique antérieure, malgré la contradiction entre une telle volonté et celle aujourd’hui annoncée d’en finir d’ici 2039 avec l’électricité d’origine nucléaire. Toutefois, la question que le quotidien ne pose pas mais que l’on est en droit de se poser est la suivante : le Japon envisage-t-il une utilisation non civile de sa filière de retraitement et de fabrication de plutonium ? Le vote discret, le 20 juin dernier, d’un amendement à la Loi fondamentale sur l’énergie atomique nous éclaire sur ce point et donne un relief inquiétant aux tensions actuelles entre le Japon et la Chine. (...)

Dans l’éventualité d’un abandon du nucléaire civil, utiliser l’infrastructure de Rokkasho pour des objectifs militaires garantirait sa pérennité et éviterait de priver de sens l’existence de ce bijou de 20 milliards d’euros, dont le coût de démantèlement est estimé à 80 milliards d’euros supplémentaires. Le tout dans un contexte de demande en forte chute à la fois du plutonium utilisé dans les surgénérateurs (celui de Monju a subi une succession d’accidents et n’a produit d’électricité que pendant une heure en 20 ans) et du MOX dans les réacteurs conventionnels.

Le Japon détient actuellement 157 tonnes de plutonium, dont 100 tonnes sur les sites de ses centrales. Les 60 tonnes restantes ont été acheminées dans les centres de retraitement, et 45 tonnes ont été séparées (35 tonnes sont stockées en France et au Royaume-Uni), de quoi fabriquer 5.000 têtes nucléaires. (...)

Ce qui caractérise le nouveau contexte n’est donc pas la capacité technologique du Japon à construire une arme nucléaire dans une durée limitée, mais le fait que, s’appuyant sur l’opportunité d’une réforme de son autorité de régulation nucléaire, suite à l’accident de Fukushima, il se dote d’un cadre juridique approprié à la reconnaissance et à l’activation d’une telle capacité. La prochaine étape pourrait être une réforme de l’article 9 de la Constitution, le tout étant en cohérence avec le rôle politique que les Etats-Unis entendent de plus en plus faire jouer au Japon en Asie, notamment face à la Chine. (...)

En inscrivant la politique de l’énergie nucléaire du Japon dans le cadre de la « sécurité nationale », l’amendement du 20 juin 2012 à la Loi fondamentale sur l’énergie atomique ouvre grande la porte sur une telle perspective. Décidément, le désastre de Fukushima n’en finit pas de porter ses fruits.