
Discrètement, le gouvernement prépare déjà une nouvelle offensive contre le droit du travail, dans la foulée des lois Macron et Rebsamen. Les milieux patronaux en rêvent depuis longtemps : que les règles de travail négociées dans l’entreprise, là où la pression sur les salariés est la plus forte, puissent s’imposer à la loi et aux conventions collectives.
Ce rêve est-il sur le point de devenir réalité ? Pour plancher sur la question, le gouvernement vient de créer une commission, en partie composée d’ « experts » proches des milieux néolibéraux. Leur rapport est attendu pour la rentrée. Sous prétexte de simplifier le Code du travail, ce rapport pourrait être annonciateur de nouvelles régressions pour les salariés.
Le gouvernement a décidé d’enclencher la vitesse supérieure sur les « réformes » du marché du travail. Les lois Macron et Rebsamen sont à peine adoptées, qu’une nouvelle dérégulation d’ampleur est en préparation. Présentée le 4 mai dernier, une commission « accords collectifs et travail », surnommée « mission Combrexelle » du nom de son président, est actuellement à pied d’œuvre à la demande du Premier ministre. Son objectif ? Produire, pour la rentrée, un rapport dont les préconisations devront inspirer une réforme pour donner plus de place aux accords collectifs – c’est à dire les accords de branche et surtout d’entreprise – dans la définition des règles qui encadrent le travail et le lien de subordination des employés à leurs employeurs. Sous couvert de bon sens et de pragmatisme – le « dialogue social de terrain » serait plus adapté à la réalité des entreprises – le projet s’attaque en fait à l’un des piliers du droit social français, suivant l’une des revendications les plus anciennes du Medef. (...)
La commission regroupe, de fait, des experts habitués à naviguer entre public et privé, certains affichant des orientations ouvertement néolibérales. (...)
la multiplication des « assouplissements » affaiblit la norme légale. Chaque gouvernement enfonce un ou plusieurs coins dans le code du travail. On multiplie les dérogations, les droits se différencient selon les secteurs d’activité, les entreprises, les territoires, peu à peu, on instaure une inégalité de traitement, une concurrence de fait entre entreprises et entre salariés. Sous couvert de simplification, l’objectif est de poursuivre l’inversion de la hiérarchie des normes et du principe de faveur. On veut définir un socle de droit minimal, et renvoyer le reste aux accords de branche et d’entreprise. En fait, la simplification est un faux débat, car le code du travail est complexe par nature. Il ne s’agit pas seulement du travail du législateur, mais aussi du résultat de luttes sociales sédimentées. Si on simplifie la base légale, on va produire de la jurisprudence ce qui, pour le coup, est une véritable source de complexité. A force de déroger, on fait du code du travail un véritable gruyère, on fait de la déréglementation par sur-réglementation !
Serait-ce une manière de rogner, lentement mais sûrement, un siècle d’émancipation sociale ? (...)
Aujourd’hui, l’heure est à la mondialisation des marchés, à la recherche, coûte que coûte, de compétitivité pour les entreprises. Il faut « assouplir », « faciliter », « réduire le coût du travail ». La loi serait une source de « rigidité », et l’entreprise le lieu idéal pour une redéfinition des normes de travail. (...)
qui dit négociation, dit acteurs sur un pied d’égalité. Et dans l’entreprise, les salariés sont-ils vraiment en capacité de négocier ?
Le contexte de chômage de masse s’avère lourdement défavorable aux salariés. Dans l’entreprise, les salariés sont fragilisés, les délégués du personnel exposés, c’est précisément l’une des raisons d’être du code du travail. Le rapport salarial est un rapport de subordination, qui bride, voire rend impossible, les velléités de revendication individuelles mais aussi collectives. Dans le même temps, la loi Rebsamen, indissociable de la mission Combrexelle, vient affaiblir la représentation syndicale (...)