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La Belgique sous le choc : une syndicaliste froisse quelques vêtements dans une grande surface
Nous publions, sous forme de tribune [1], un texte rédigé par les deux sociologues Daniel Zamora et Jean-Louis Siroux (Acrimed).
Article mis en ligne le 30 décembre 2014

Cela fait maintenant un mois que la Belgique vit son plus grand et profond mouvement social depuis des décennies. C’est une colère profonde qui anime de nombreux travailleurs face à l’arsenal de réformes prônées par le gouvernement en exercice. Ces mesures, très impopulaires et largement absentes des programmes électoraux, font l’objet d’une vive contestation. La colère sociale s’est d’abord exprimée via une manifestation historique ayant réuni plus de 120 000 personnes et des grèves tournantes, puis, le 15 décembre dernier, via une grève générale.

Si on peut regretter l’homogénéité du traitement médiatique des grèves et de la manifestation nationale, c’est aussi la représentation générale des grévistes que diffusent les médias qui interpelle. On ne compte plus en effet les articles donnant du gréviste l’image d’un paria, d’un bon à rien nuisible au bon fonctionnement de la société.

C’est dans ce contexte particulièrement hostile que Raymonde Le Lepvrier, secrétaire générale du SECTA Namur, et parfaite inconnue jusque là du grand public, s’est vue propulsée en moins de 24 heures au rang de vedette malheureuse des réseaux sociaux et d’ennemi public numéro un. En cause : une vidéo de 54 secondes, dans laquelle on voit la syndicaliste entrer dans un magasin de prêt à porter, jeter quelques vêtements sur un présentoir (et d’autres à terre laissent penser des photos publiées par après) et demander fermement à la commerçante de fermer boutique.

La réaction publique et médiatique fut quasi immédiate, aucun terme ne semblant assez fort pour dénoncer le crime commis Raymonde le Lepvrier. (...)

Une pétition demandant sa démission est généreusement relayée dans les grands médias. Sur les forums de la presse nationale, des lecteurs s’en prennent à son physique, d’autres la comparent à un singe, avec la complaisante bienveillance de journaux qui multiplient sans discontinuer les articles à son sujet.

Imaginons pourtant le tollé qu’auraient suscité de tels propos si, plutôt que de viser une représentante syndicale gréviste, ils étaient dirigés contre un membre d’une communauté religieuse (musulmane, juive, catholique, etc.) ou d’une minorité sexuelle. Imagine-t-on un seul instant des attaques d’une telle virulence se déverser en flux continu dans les grands quotidiens du pays sans la moindre réaction des éditorialistes ? Se serait-on permis de laisser comparer les uns à un singe, les autres à un nazi pour quelques vêtements froissés ?

Sans doute, l’opposition de l’immense majorité des médias du pays à l’égard de la grève n’est-elle pas étrangère à la mansuétude avec laquelle furent relayées en boucle - ou presque - les images incriminant la syndicaliste (...)