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La Grèce en pleine crise... sanitaire : la lettre ouverte des médecins belges à Charles Michel et Maggie De Block
Article mis en ligne le 31 juillet 2015

La situation de la Santé publique en Grèce s’est aggravée depuis le début de la crise financière qui frappe le pays de plein fouet. Couverture médicale défaillante, nourrissons nés avec un poids trop faible, augmentation des dépressions et des diagnostics positifs concernant le sida, les réductions des dépenses publiques nécessitent des coupes drastiques dans un secteur pourtant crucial. Plusieurs médecins, issus du milieu universitaire ou encore hospitalier, prennent la plume pour interpeller Charles Michel et Maggie De Block sur une situation qui se détériore de jour en jour, afin de les pousser à agir lors des prochaines négociations.

Bruxelles, le 17 juillet 2015

Monsieur le Premier Ministre,

Madame la Ministre de la Santé,

La présente parce que nous, Doyens de Facultés de Médecine, Présidents d’Ecoles de Santé publique, responsables médicaux, réunis à l’initiative de Médecins du Monde, sommes gravement préoccupés par la détérioration du système de santé grec et par la dégradation profonde de l’état de santé de la population grecque. Nous vous demandons d’user de votre influence pour que les accords européens d’aide à la Grèce sanctuarisent l’accès aux soins de santé.

Au moins 2,5 millions de Grecs vivent actuellement sous le seuil de pauvreté |1|. En mars 2015, Eurostat évaluait le taux de chômage à 25,6%, et ce alors que les indemnités de chômage et la couverture maladie s’arrêtent au plus tard 12 mois après l’arrêt de l’activité. La pauvreté infantile est passée de 23% à 40,5% entre 2008 et 2012 |2|. En 2014, 27,3% des Grecs vivaient dans des logements surpeuplés, 29,4% disaient ne plus pouvoir se chauffer pendant l’hiver et 57,9% des plus précarisés étaient contraints de repousser le paiement de factures de base (eau, électricité).

La crise économique et la politique d’austérité ont fait de la Grèce l’enfant malade de l’Europe. L’année dernière, l’OCDE annonçait qu’un tiers de la population ne disposait plus de couverture médicale |3| depuis la crise et les mesures de restrictions. De nombreuses recherches scientifiques nous prouvent encore et toujours que les groupes vulnérables sont les premiers touchés par ces mesures |4|.

Le pourcentage de personnes déclarant des besoins de santé non satisfaits a presque doublé avec la crise, passant de 5,4% en 2008 à 9% en 2013 |5|. Entre 2008 et 2011, le nombre de dépressions sévères s’est multiplié par 2,5. Durant la même période, les diagnostics HIV-positif ont presque doublés. Les enfants sont bien sûr les victimes silencieuses de cette crise. Selon l’OCDE, le nombre de bébés de faible poids a augmenté de 16% |6| entre 2008 et 2011. Le nombre d’enfants morts-nés a augmenté de 32% |7|.

Avant la crise, Médecins du Monde Grèce recevait principalement des migrants dans ses centres de soins. Certaines de leurs salles d’attentes, comme à Perama, sont désormais occupées par plus de 80% de Grecs. (...)

Que souhaitons-nous ?

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) affirme que les systèmes de santé nécessitent plus, et pas moins, de ressources dans une économie en crise. Par ailleurs, elle insiste sur les avantages économiques d’un plus fort investissement dans ce secteur. Toujours selon l’OMS, les précédents programmes UE-FMI n’ont pas suffisamment tenu compte de cette prescription |8|.

Nous demandons au gouvernement belge d’aller dans le sens et de soutenir cette recommandation internationale. Concrètement, nous demandons que la Belgique se positionne dans le cadre des futures négociations européennes avec la Grèce pour exclure la santé du périmètre des réductions de dépenses. Dans les négociations pour un nouveau paquet social avec la Grèce, la Belgique peut plaider pour un système de soins de santé qui protège la population grecque, qui permet au Gouvernement grec de doter le système de santé des moyens permettant de reprendre le chemin d’indicateurs de santé positifs.

Nous vous demandons une rencontre afin de discuter de cela sous un éclairage scientifique et déontologique. (...)