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« La Loi du marché », seule loi de l’histoire ?
Article mis en ligne le 20 juin 2015

Interprété par Vincent Lindon qui a remporté le prix d’interprétation du Festival de Cannes 2015, Thierry, la cinquantaine, enchaîne depuis son licenciement des formations sans avenir. Il finit par être employé comme vigile dans un supermarché où lui sera réclamé l’inacceptable. La Loi du marché est la chronique austère d’un parcours mené en solitaire par un ancien ouvrier qui s’est battu avec ses camarades contre la fermeture d’une usine dont les bénéfices ne suffisaient plus aux actionnaires. Il découvre que pour la société, le métier dans lequel il s’est reconnu pendant 30 ans, ne vaut rien.

(...) La caméra de Stéphane Brizé, qui colle à Thierry tout au long du film, révèle un homme qui subit des humiliations en cascade sans jamais abdiquer. Depuis longtemps, il sait se taire avec l’intelligence des rapports de force. En l’occurrence, il est confronté à un système infiniment plus fort que lui et sans égard pour quiconque. Mais il veut pouvoir nourrir sa famille et, pour cela, il va jouer le jeu lors de séances dépréciatives d’entraînement aux entretiens d’embauche. Cela ne fait pas de lui un lâche, mais un homme lucide qui refuse de sombrer et qui sait protester quand les bornes ont été dépassées. L’ancien ouvrier syndicaliste contient sa révolte parce qu’il le faut, mais il a l’obstination des caractères forts. (...)

Le film a mécontenté Laurence Parisot qui a fustigé le « combat étrange » d’une « certaine gauche » en proie au « manichéisme le plus simpliste ». Mais les spectateurs sont nombreux à y avoir parfaitement reconnu des situations fréquemment vécues. On a aussi adressé au film le reproche inverse de n’être pas assez militant, en produisant l’impression de fatalité implacable et en ne condamnant pas la lâcheté de ceux qui participent au système. De fait, l’agent de Pôle emploi dégage efficacement sa responsabilité de la galère de Thierry, la banquière se borne à faire des propositions que Thierry décline librement et, à la limite, on ne saurait reprocher au DRH d’inviter les salariés à ne pas culpabiliser après le suicide d’une de leurs collègues. Ni moralisateur ni dogmatique, le film ne dit pas qui est bon et qui est méchant, pas plus qu’il ne délivre la recette pour lutter efficacement contre un système d’exploitation intégré par ses acteurs. Quand, à la fin du film, Thierry s’en va, il ne trouve personne pour le retenir ni le soutenir. Il ne semble d’ailleurs rien attendre de quiconque, retournant à sa solitude de départ.

Malgré cela, le film n’impose pas une vision désespérée de la réalité. Il montre des enjeux plutôt que des états définitifs, de sorte que tout ne semble pas irrémédiablement joué. La suite de l’histoire pourrait se jouer autrement. (...)