
À l’instar d’autres mécanismes plébiscités par la « gouvernance climatique mondiale », nous doutions depuis le début de la possibilité du mécanisme Réduction des Émissions provenant de la Déforestation et de la Dégradation des forêts (REDD) à résoudre la crise climatique mondiale depuis son intrusion dans les débats sur les changements climatiques. Aujourd’hui plus que jamais la face cachée de ce mécanisme apparaît avec le nouveau mécanisme de marché qui est en train de se concocter et qui risque d’être adopté à la COP 21 de Paris en décembre 2015. Le sol est un bon puits carbone et les spéculateurs, les businessmen et les multinationales, y voient une belle occasion de se faire de l’argent, d’augmenter leurs chiffres d’affaires. Et cette fois ci cela risque de faire mal comme on le dit. Très mal même car cette fois l’enjeu est de taille et l’agriculture est aussi la cible de ce commerce carbone.
L’agriculture qui, pourtant, avait bien été reléguée depuis plusieurs années à un rôle minimal dans ces négociations sur les changements climatiques, est donc de retour mais visiblement contre les populations et pour le bonheur de la finance carbone et du système financier mondial. Un retour applaudi par certains mais qui pour nous pose problème.
La grande majorité des documents de proposition de préparation à la REDD (communément appelé R-PP) en élaboration en Afrique, pointe l’agriculture comme le moteur principal de la déforestation, se gardant bien de préciser que c’est l’agriculture industrielle avec son modèle productiviste et son utilisation intensif de produits chimiques qui l’est, au détriment de l’agriculture paysanne qui a toujours su, au fil des décennies, prendre soin du climat et protéger l’environnement.
Ces accusations, dont l’objectif est encore une fois de rendre responsable un secteur afin de mieux lui appliquer des mesures de « sanctification » avec le concours de la finance carbone, sont simplement criminelles d’autant plus si l’on considère le rôle historique et les responsabilités des peuples autochtones dans la conservation des écosystèmes à travers leurs pratiques traditionnelles respectueuses de l’environnement.
Alors que le système alimentaire qui génère entre 44 et 57% des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) et pourrait être le secteur par lequel l’on réduit une bonne part des émissions et refroidisse la planète, il devient le secteur par lequel le plus de business se fera. |1| Les terres agricoles, comme on le sait, possèdent cette capacité de stocker le carbone et de contribuer au refroidissement de la planète. Du coup, elles deviennent dignes d’intérêt et tout est maintenant mis en œuvre afin que l’agriculture, qui avait été longtemps négligée, puisse revenir dans les négociations et prendre la place de ‘’grande contributrice ‘’ à l’atténuation.
À Paris, cette prise en otage, qui fait que l’agriculture se retrouve aujourd’hui empêcher de jouer le rôle de nourrir la planète mais se retrouve aujourd’hui dans une perspective purement commerciale à travers la finance carbone, va se faire plus claire et le monde va légitimer un système qui, nous savons bien, ne résoudra pas les changements climatiques.
La REDD sera bien installée dans le marché carbone et elle aura la caution de tous pour « braquer » l’agriculture. (...)
Il demeure donc illusoire de continuer à penser que la REDD+ puisse défendre les droits des communautés et les droits des paysans, et fournir un vrai cadre de dialogue avec les acteurs des sociétés civiles locales. Elle va plutôt renforcer son « mariage » avec le secteur privé et les banques. Il importe donc de faire barrage à cette fausse solution et construire un rapport de force pour mettre en œuvre une véritable justice sociale et mettre fin aux inégalités.