
La Somalie s’est rappelée à nous ces deux dernières années grâce aux spectaculaires actes de piraterie maritime. Ce pays, complètement échoué depuis 1990, oublié depuis le fiasco américain de la bataille de Mogadiscio en octobre 1993 et le retrait précipité des casques bleus onusiens en mars 1995, incarne aujourd’hui l’échec de la communauté internationale. Pourtant, même sans Etat, la Somalie est l’une des économies les plus dynamiques de la région…
Depuis 2008, l’Union européenne est présente au large des côtes somaliennes à travers l’opération « Atalante » (EUNAVFOR), aux côtés des Etats-Unis et de l’OTAN et de pays présents à titre individuel (Chine, Russie, Inde, Iran, Japon…). Soit une trentaine de navires de guerre couvrant une surface supérieure à celle de la mer Méditerranée. Malgré ce déploiement, les attaques des pirates n’ont jamais été aussi nombreuses qu’en 2010, et les premières semaines de l’année 2011, bien que marquées par quelques interceptions et libérations réussies, ne semblent pas montrer d’inflexion (il y aurait aujourd’hui 1 181 membres d’équipage retenus en otages le long des côtes somaliennes). (...)
Depuis le retrait des troupes éthiopiennes en janvier 2009, la Somalie est en proie à une grande violence, rarement égalée, même dans les pires moments de la guerre civile. (...)
au nord, le Somaliland, territoire indépendant depuis 1991 mais non reconnu par la communauté internationale, jouit d’une certaine stabilité et d’un développement remarquable au milieu du chaos somalien (lire Gérard Prunier, « Le Somaliland, une exception africaine », Le Monde diplomatique, octobre 2010). (...)
Pourtant, en dépit de ce sombre tableau, la Somalie ne se résume pas à un Etat désintégré, sans structure ni avenir. Le pays dispose même d’un certain potentiel et d’atouts qui pourraient constituer un terreau favorable pour la reconstruction.
Malgré ses divisions, la population somalienne montre un certain dynamisme quand il s’agit d’affaires. (...)
bien entendu, le miracle somalien ne vaut que pour ceux qui peuvent y mettre le prix, y faire fonctionner leur réseau, et toujours en bons termes avec les milices et leurs warlords capricieux. La société restant fondamentalement inégalitaire, une très grande partie des Somaliens vivent en marge de ces flux et toujours dans une grande détresse, aussi bien alimentaire que sécuritaire.
La situation somalienne est donc plus complexe que ne le laisse paraître le problème de la piraterie. Elle est paradoxale, à la fois globalisée et micro-locale, informelle et ultra-codifiée, juteuse mais profondément injuste. (...)