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La compétitivité des entreprises passe par le renforcement du pouvoir des salariés
Article mis en ligne le 28 janvier 2013
dernière modification le 24 janvier 2013

Que signifie vraiment être compétitif pour une entreprise ? Est-ce réduire les coûts à tout prix, quitte à détruire les compétences des salariés et à étouffer toute créativité ? Pour François Daniellou, professeur d’ergonomie à l’École nationale supérieure de cognitique, la compétitivité des entreprises françaises passe au contraire par une démocratisation du travail et un renforcement du pouvoir des salariés, les mieux à même de définir « ce qui fait la performance de leur activité ». Une démocratisation dont le patronat ne veut pas.

Il existe une flexibilité visible : le chômage partiel, les grands plans de licenciements ou de suppressions d’emplois dans l’industrie.

Et une flexibilité quasiment invisible : la sous-traitance en cascade dans le BTP, le recours à des salariés, notamment étrangers, dans des conditions extravagantes.

Le niveau d’inventivité de formes d’emplois de plus en plus précaires est sans limite ! En tant qu’ergonome, quand j’accompagne un inspecteur du travail, j’ai l’impression de visiter les soutes de la République. Dans une agence d’intérim, un inspecteur a même découvert un logiciel d’optimisation des fraudes. La crise a bien été l’occasion de perfectionner sans arrêt la précarité de l’emploi. (...)

dans la majorité des entreprises françaises, les travailleurs sont obligés de se battre contre l’organisation pour compenser ce qui n’a pas été prévu. Ils le font dans l’ombre, sans que cela soit reconnu, débattu ou rémunéré. Quand ils sont obligés de prendre énormément sur eux pour bien faire leur travail, quand l’écart entre ce que le management leur dit de faire et ce qu’ils doivent réellement accomplir pour que cela fonctionne est trop important, cela engendre des problèmes de santé. En France, on utilise l’intelligence des salariés à compenser les carences de l’organisation plutôt qu’à la faire progresser. Et c’est pareil dans l’ingénierie. Les bureaux d’études deviennent de plus en plus tayloriens, avec de moins en moins de place pour l’intelligence globale, de créativité. (...)

les dirigeants ont beau jeu de dire que les salariés coûtent trop cher. Au contraire, instaurer des formes d’écoute et de débat sur le travail génère des gains très importants de productivité. C’est visible dans certaines interventions d’ergonomes. Mais ce que nous faisons dans de tels cas, le temps de notre intervention, consiste d’une certaine façon à créer une démocratie provisoire. Le problème est la pérennisation de ces possibilités de débat.
(...)

Démocratiser l’organisation du travail, cela signifie perdre du pouvoir. Or, la France est le pays où les entreprises y sont les moins prêtes, même pour gagner de l’argent ! (...)

A l’État de fixer les limites. Les juges commencent à le faire. Le tribunal de grande instance de Lyon a ainsi interdit en septembre 2012 à la Caisse d’Epargne de mettre en œuvre une organisation dite « benchmark » qui stipule que chacun doit faire mieux que son collègue. C’est la seconde fois qu’une organisation du travail est mise hors la loi, après l’arrêt Snecma de 2008 qui avait interdit une organisation pour des raisons de sécurité. Certaines formes organisationnelles ne sont pas acceptables. (...)

Il serait naïf de penser que quelques expériences locales puissent faire changer rapidement les modes de gouvernance des entreprises. Mais elles servent à tenir bon face à l’affirmation que « rien n’est possible, il n’y a pas d’autre manière possible de faire que celle qui domine actuellement ». Les expérimentations locales servent à faire la preuve de la possibilité et de la pertinence de l’expression des travailleurs et des débats, voire des controverses, sur l’organisation locale du travail. (...)