
Depuis de nombreuses années notre pays est sous l’emprise d’une pseudo démocratie[1] caractérisée par un bipartisme de « connivence » (ou de copinage) : gauche caviar et associés d’un côté, droite molle et associés de l’autre côté. Hormis le discours, l’alternance entre la « droite » et la « gauche » ne change rien, ou pas grand-chose, aux politiques d’inspiration néolibérale mises en œuvre. La démocratie de connivence a conduit la France sur une trajectoire d’affaiblissement et d’appauvrissement.
La démocratie de connivence est l’instrument du capitalisme de connivence[2]. Le capitalisme de connivence instrumentalise la démocratie du même nom pour obtenir des rentes, synonymes de profits faciles et élevés.
Anesthésiée par la consommation, les discours politiques et l’action des media, la population prend progressivement conscience de la stérilité du vote avec l’accentuation de la crise. Devant l’inutilité avérée de celui-ci, l’abstentionnisme se répand. Néanmoins, ceux qui, parmi les mécontents, persistent à voter pourraient menacer l’hégémonie du bipartisme de connivence en apportant leurs suffrages à la droite « extrême ». Or, ladite droite extrême a été créée par le système bipartisan pour canaliser les mécontentements et servir d’épouvantail pour les seconds tours des élections afin que tout puisse continuer comme avant.
Une des caractéristiques principales du bipartisme de connivence est sa foi affichée en la croissance économique censée devoir régler tous les problèmes économiques, financiers et sociaux sans remettre en cause la structure du système. En effet, si le gâteau de la richesse nationale s’élargit sans cesse, ils pourront en distribuer à tout le monde, des grosses parts pour certains et des miettes pour d’autres, mais c’est le geste qui compte. Ainsi le bipartisme voue un culte à la croissance.
Depuis la fin des Trente glorieuses, la croissance économique s’est progressivement réduite jusqu’à ne plus permettre le ruissellement de la « richesse » jusqu’aux plus bas niveaux de la pyramide sociale. Le défaut de croissance menace la démocratie de connivence assise sur un système qui distribue des rentes aux sponsors ainsi qu’à la « clientèle » politique. Ce système clientéliste est en crise, mais le bipartisme se trouve dans l’impossibilité de le réformer car cette démarche serait suicidaire pour les « élites » au pouvoir. En conséquence, le bipartisme reconduit le système clientéliste sous une forme « appauvrie[3] » tout en organisant une fuite en avant dans l’endettement.
L’endettement a des limites et l’austérité, pour la masse, doit inéluctablement être intensifiée. En régime démocratique, même délité, des risques existent de graves troubles sociaux et de prise de pouvoir par des forces « hors système », c’est-à-dire non instrumentalisées par le bipartisme de connivence. Dans ces conditions, il convient de réduire ces risques : (i) en isolant le politique de l’économique et du social et (ii) en dévoyant la démocratie pour la rendre inopérante par la loi.
Malgré tout si les risques de déstabilisation perdurent, le capitalisme de connivence a la possibilité de changer d’instrument de domination : dictature, capitalisme d’État…
Dans ces conditions, quelle peut être la nature de la réaction des 99% de la population exploités ? (...)
Les dangers du clientélisme appauvri pour le système
Le danger est important car « un gouvernement peut difficilement [mettre en œuvre un programme d’austérité et de casse sociale] contre la volonté de l’opinion publique dans son ensemble. Il doit se ménager le soutien d’une partie de l’opinion, au besoin en pénalisant davantage certains groupes. En ce sens, un programme qui toucherait de façon égale tous les groupes (c’est-à-dire qui serait neutre du point de vue social) serait plus difficile à appliquer qu’un programme discriminatoire, faisant supporter l’ajustement à certains groupes et épargnant les autres pour qu’ils soutiennent le gouvernement[16] ».
Ce constat et ces prescriptions, formulés pour le Tiers-Monde, s’appliquent aujourd’hui partout en Occident[17]. Selon Christian Morrisson, comme « la plupart des réformes frappent certains groupes tout en bénéficiant à d’autres, [...] un gouvernement peut toujours s’appuyer sur la coalition des groupes gagnants contre les perdants[18] ». Depuis la crise de 2008, le principal groupe gagnant réunit les sponsors, les 1% pour faire simple.
Même si ce groupe contrôle le personnel politique, possède les moyens financiers et les medias, il se révèle insuffisamment nombreux pour peser sur des élections « démocratiques ». De plus, la crise économique étant aiguë, une bonne partie des complices, plus ou moins volontaires, du système sera touchée. Il s’agit d’une part, des chevilles ouvrières : (i) managériales : les financiers, les ingénieurs, les commerciaux, les publicitaires... qui assurent le développement du système consumériste et la croissance des profits ; (ii) politiques : les élus de terrain qui gèrent le clientélisme de façon décentralisée pour la pérennité du système. Et, d’autre part, les bouffons grassement rémunérés du cirque médiatique qui vendent « l’opium » au peuple : journalistes (les « nouveaux chiens de garde »), artistes, sportifs... Les nouveaux exclus (qui se croyaient à l’abri au bord de leur piscine) déçus pourraient se joindre à d’éventuels mouvements de masse dénonçant l’austérité et ceux à qui elle profite. Enfin, avec le durcissement des politiques de rigueur, les vrais privilégiés, appartenant à l’oligarchie (communautés, confréries, « associations », groupements, réseaux au capital social élevé[19]…), ne pourront demeurer dans l’ombre car les privilèges et les inégalités, devenues trop criantes, apparaitront au grand jour.
La paupérisation d’une majorité de la population[20], l’exclusion d’une partie des auxiliaires du système clientéliste et la mise en lumière des inégalités résultant de la prédation oligarchique de la richesse de la nation peuvent conduire à une instabilité politique et sociale susceptible de faire vaciller le système.
Menacé le système s’adapte par le dévoiement de la démocratie (...)
Vers la dictature : de l’état d’urgence sécuritaire à l’état d’urgence économique et social
L’imposition de l’austérité à l’immense majorité de la population peut nécessiter un régime fort afin de limiter la contestation et d’éventuels troubles sociaux.
L’expérience du Tiers-Monde l’atteste (...)
Dans le contexte de la nouvelle démocratie de connivence aux pouvoirs de l’État renforcés et aux libertés réduites, que peut faire la majorité de la population en voie d’asservissement pour réagir ?
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