
18 % des candidats d’origine maghrébine obtiennent un entretien pour un poste de cadre administratif, contre 25 % de ceux au nom à consonance française, à CV équivalent. Pour un emploi d’aide-soignante, les chiffres sont respectivement de 37 % et 45 %. Les discriminations persistent, notamment dans la fonction publique.
Un candidat d’origine maghrébine a 18 % de chances d’obtenir un entretien pour un poste de cadre administratif en Île-de-France en 2021-2022, contre 25 % pour celui dit « de référence », c’est-à-dire dont le CV ne porte aucune origine, ni lieu de résidence particulier, selon une enquête menée par le CNRS [1]. Pour un poste d’aide-soignante en Île-de-France, les pourcentages sont respectivement de 37 % et 45 %. Ces chiffres sont le résultat d’une opération de testing de grande envergure : le CNRS a envoyé 2 600 candidatures semblables, hormis l’origine et le lieu de résidence des candidats, sur une période de six années. « Les écarts sont significatifs à la fois dans le privé et dans le public, pour les aides-soignantes de façon généralisée et pour les cadres administratifs de façon ponctuelle selon les périodes », écrivent les auteurs de l’étude.
Les résultats ne font pas apparaître de discrimination en 2021-2022 pour les candidats qui résident dans des quartiers de la politique de la ville (où les difficultés sociales sont les plus grandes) : ils obtiennent un peu plus d’entretiens pour un poste de cadre administratif que le candidat de référence (29 % contre 25 %) et un peu moins pour un poste d’aide-soignante (43 % contre 45 %). Les auteurs expliquent cette situation par le déploiement d’aides à l’embauche (15 000 euros sur trois ans) destinées aux employeurs qui embauchent des habitants de ces quartiers.
Cette vaste opération de testing est doublement originale. D’abord, elle a été répétée au cours de quatre vagues, de 2015 à 2022, ce qui permet d’observer des évolutions, une possibilité extrêmement rare en matière de discriminations. (...)
L’autre originalité de ce travail, c’est qu’il porte sur les secteurs privé et public. « Les études sur l’emploi public s’intéressent peu à la thématique des discriminations tandis que les travaux sur les discriminations abordent assez peu la situation de l’emploi public », analysent les auteurs. Pour les cadres administratifs, la discrimination vis-à-vis des candidats d’origine maghrébine est beaucoup plus forte dans le public que dans le privé [2]. Sauf, étrangement, au cours de la vague 2019-2020 où les résultats s’inversent et où, dans le public, les candidats d’origine maghrébine sont même favorisés. Pour les aides-soignantes, la discrimination vis-à-vis des personnes d’origine maghrébine est forte dans le public comme dans le privé, avec des variations importantes selon les années.
Il faut le préciser : il ne s’agit que de deux types de poste, dans la région Île-de-France, et on ne peut généraliser les résultats, ni à tous les emplois, ni à l’ensemble du territoire. Pour autant, la connaissance des discriminations progresse. Ces données prouvent que l’égalité des chances n’est pas respectée et montrent l’ampleur des obstacles que doivent surmonter une partie des candidats à l’embauche, d’origine maghrébine notamment. (...)
Enfin, les variations selon les années invitent à la prudence (...)