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Entre les lignes entre les mots
La misère a la vertu de rejeter le futur dans le néant
Véronique Le Goaziou : Errances à la gare Saint-Charles La grande précarité et l’intervention socioéducative Groupe addap13, Marseille 2020, 42 pages
Article mis en ligne le 4 janvier 2021
dernière modification le 3 janvier 2021

Des SDF et des personnes errantes, une gare SNCF, Marseille, un espace de circulation pour les un·es, un lieu de ressources pour d’autres, « des gens « en plus » de tous ceux qui ont une activité ordinaire »…

Véronique Le Goaziou analyse « ce que l’on sait », quelques éléments chiffrés et les personnes non comptabilisées, « ce nombre n’inclut pas les personnes qui n’ont aucun recours aux services existants et ne couvre pas non plus toutes les structures d’accueil ni les services s’adressant à des populations spécifiques comme les mineurs ou les demandeurs d’asile, par exemple », des données sur les inégalités et les personnes mal-logées, des situations de grande misère, des parcours semés d’embuches…

Elle revient sur des éléments d’histoire, les errant·es puni·es de peines de prison ou envoyé·es dans des asiles, sur les financements principalement mis en œuvre par des associations… (...)

Des milliers de personnes restent « à la rue », le financement de l’hébergement d’urgence est insuffisant (il en est de même pour les dispositifs liés aux demandeurs et demandeuses d’asile), la gestion est de court terme, des hébergements spécialisés et pérennes sont remplacés par des nuitées hôtelières, « Ces nuitées ont pris une place grandissante dans les dispositifs, sans fournir une prestation atteignant la qualité exigée – on constate en particulier que l’accompagnement social, en principe associé à l’hébergement, y est souvent défaillant ». L’autrice détaille la situation à Marseille et aborde particulièrement la situation à la gare Saint-Charles (...)

« La moyenne d’âge est très jeune (19,5 ans), on compte 40% de mineurs (dont quasiment la moitié sont en fugue) et 40% de jeunes filles (dont la moitié courent des risques de prostitution). Les deux tiers n’ont pas de revenus fixes et se débrouillent pour vivre chaque jour à l’aide de petits larcins ou de la mendicité. La préoccupation quotidienne dominante est l’alimentation (pouvoir manger le jour même ou dans la semaine) puis le logement (avoir un toit pour la nuit ou envisager un logement pérenne pour ceux qui ont les ressources suffisantes), loin devant la question de l’emploi ou de la formation et de la santé »…

Les intervenant·es soulignent que « pour une partie des publics, toute tentative d’inscription sociale dans la durée semble compromise parce qu’ils ne réunissent pas les conditions d’accès aux dispositifs d’insertion et que leurs conditions de vie les en éloignent avec le temps ». Ces personnes sont « en manque », les premiers besoins se nomment « dormir, se nourrir, se laver » ou dit autrement « trouver un abri », « se nourrir », « s’occuper de soi ». Un impératif d’urgence…

L’autrice discute de cette urgence, du non-recours aux services d’aide, du sentiment de honte, du refus de la charité, d’invisibilité (se rendre invisible), de stratégie et de lieux, d’aspect extérieur, de mauvaises expériences de lieux d’accueil, d’absence de perception de prestations auxquelles ils et elles auraient droit, de refus d’une place d’assisté·e, de déni de maladie… ou des effets des politiques visant à transformer les gares en espaces commerciaux… (...)

L’autrice revient sur l’histoire du Groupe addap13, les doctrines et pratiques de l’équipe « Aller vers », les maraudes, « Aller vers un public qui ne demande rien, sans conditions et en l’absence de jugement, porteur d’une offre en creux qui se construit en fonction de la situation de chacun, à travers une multitude de petits actes pour créer du lien et établir un diagnostic à partir d’indices permettant d’éprouver la situation, est bien spécifique à ces deux types d’actions », les actions spécifiques auprès de jeunes filles errantes, l’absence de statut de la et du mineur·e à la rue, les limites (et leurs raisons) des interventions… Elle insiste, entre autres, sur la nécessité de créer des lieux d’accueil de jour, de nouveaux dispositifs d’hébergement de longue durée, d’en finir avec « une veille sociale à bas seuil »… (...)

Sans prise en compte de la parole et des désirs des personnes en situation d’errance, sans analyse des politiques qui construisent l’exclusion et la précarité, l’indignation contre la situation faite aux personnes n’est qu’une mascarade. (...)

Le titre de cette note est de George Orwell dans un récit narrant ses propres années de pauvreté et d’errance, cité par l’autrice dans le paragraphe sur les besoins et les vécus des publics.