
Les origines sociales continuent de peser lourdement sur les trajectoires des individus, très loin de la promesse républicaine d’égalité. Une analyse de Patrick Savidan, président de l’Observatoire des inégalités. Extrait du hors-série Les inégalités en France d’Alternatives Economiques.
...la nuit du 4 août 1789 et l’abolition des privilèges en sont venues à occuper une place centrale au coeur de notre imaginaire républicain. Merveilleux récit qui offre le spectacle d’une France enfin rassemblée dans le droit, telle qu’elle se voulait dans les coeurs. Par cet acte fondateur de la République se trouvait ainsi abolie en droit une société d’Ancien Régime qui déployait ses inégalités par le jeu d’un régime complexe de différenciation des droits, en fonction de l’appartenance à des catégories sociales. La généralité de la loi fondait l’unité du corps politique et social selon un mouvement qui, l’arbitraire en ligne de mire, affirmait que la loi devait désormais être la même pour tous et que nul ne saurait s’y soustraire.
Plus de deux siècles après, où en sommes-nous ? Le discours continue de séduire, parfois d’émouvoir. Mais que de misères et d’injustices derrière sa rutilante rhétorique ! Certes le privilège et la société d’ordre n’existent plus en droit, mais la réalité sociale ne nous offre-t-elle pas le spectacle d’alarmantes inégalités si profondément enracinées dans la chair même du social qu’on semble voir l’un et l’autre renaître de leurs cendres ?...
...La persistance des inégalités économiques et sociales s’explique probablement par les fortes inégalités politiques qui, pesant sur le processus démocratique, réduisent au silence les plus démunis. Les intérêts de ceux qui gagneraient à ce que les inégalités socioéconomiques soient réduites ne sont tout simplement pas suffisamment représentés sur le plan politique. ...