Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Mediapart
La précarité étudiante s’enracine et le gouvernement répond à côté
#précaritéEtudiante #etudiants
Article mis en ligne le 27 novembre 2022
dernière modification le 26 novembre 2022

Le gouvernement vient de débloquer 10 millions d’euros pour soutenir les associations qui agissent en faveur des étudiants précaires. Seulement, les principaux acteurs considèrent que la réponse est insuffisante et attendent des mesures structurelles pour endiguer la pauvreté des étudiants.

« Aujourd’hui, certains étudiants doivent compter sur la charité pour vivre. Quand on arrive dans l’enseignement supérieur après son bac, on ne se dit pas qu’on va dépendre des Restos du cœur. » Imane Ouelhadj, présidente de l’organisation étudiante Unef, est assez agacée par les dernières annonces du gouvernement visant à desserrer l’étau de la précarité étudiante. (...)

Et surtout, aujourd’hui, les jeunes ont moins honte de réclamer de l’aide. (...)

la précarité alimentaire n’est pas la seule qui touche les étudiant·es. « Le premier poste de dépenses pour les étudiants, c’est le logement, et là-dessus, les aides sont insuffisantes », juge Étienne Matignon. Le gouvernement a revalorisé les APL de 3,5 % et gelé les loyers dans les résidences étudiantes.

Des gestes qui laissent sceptique Imane Ouelhadj, présidente de l’Unef. Elle considère que ces mesures ne répondent en rien à une précarité devenue structurelle. « Si on prend l’exemple de la revalorisation des bourses de 4 % pour les boursiers sur critères sociaux, on réalise que ça ne va pas changer la vie des étudiants. 27 % des étudiants sont boursiers et 33 % de ces étudiants sont boursiers échelon 0 bis, qui permet de toucher 100 euros par mois. Avec cette hausse, ils vont avoir 4 euros supplémentaires. Très concrètement, ça correspond à deux paquets de pâtes. Pareil pour la hausse de 3,5 % des APL, ça ne signifie quasiment rien dans un budget. » (...)

Le levier le plus efficace : réformer les bourses

Dans l’entourage de la ministre de l’enseignement supérieur, on rappelle que tou·tes les étudiant·es précaires peuvent déposer un dossier auprès des services sociaux du Crous pour bénéficier du repas à un euro et d’une aide plus pérenne le cas échéant.

L’entourage de la ministre Sylvie Retailleau reconnaît aussi que tous ces dispositifs sont encore méconnus et qu’un travail pour juguler ce non-recours est à effectuer. Quant à l’accès plus généralisé, le ministère réfléchit à mutualiser des cantines de services publics pour permettre aux étudiant·es d’y accéder.

Mais les Crous restent sous-dimensionnés pour absorber un surcroît d’activité. Imane Ouelhadj, de l’Unef, complète : « Comme on l’a vu, le Crous a été obligé de baisser les quantités des repas, sous peine de ne pas pouvoir assurer le service de restauration. »

En effet, il y a un mois, des étudiant·es se sont plaint·es, photos à l’appui, sur les réseaux sociaux des maigres portions servies par le Crous de Bretagne. Le problème a été rectifié, assure-t-on au ministère de l’enseignement supérieur. Les organisations étudiantes rappellent de leur côté qu’il n’est pas toujours aisé d’accéder à une assistante sociale au Crous dans des délais raisonnables. (...)

« On ne peut pas se féliciter de l’ouverture de l’université aux enfants d’ouvriers sans mettre en place un bon système d’aides sociales pour permettre à ces jeunes-là d’étudier dans les meilleures conditions. »

Alors qu’il y a urgence, selon Étienne Matignon, de remettre à plat ce « système désuet avec des barèmes qui n’ont pas évolué depuis dix ans. La preuve, les bourses ne prennent pas en compte l’inflation ».

Il y a quelques semaines, la vidéo TikTok d’une étudiante désœuvrée et en larmes a abondamment circulé et illustré les failles de cette aide. La jeune femme ne percevait plus que 100 euros de bourse, pour un loyer de 400 euros, car sa situation familiale a changé. Ses parents ont déménagé à Mayotte et bénéficient, à ce titre, d’une aide pour faire face à la vie chère sur l’île, dépassant ainsi un seuil.

En réponse, la ministre Sylvie Retailleau a expliqué que la concertation sur la vie étudiante lancée début octobre allait s’atteler à ce problème via une réforme des bourses, promise à de multiples reprises mais jamais réalisée lors du précédent quinquennat.

La concertation doit courir sur l’année 2023. Imane Ouelhadj est pessimiste. « On nous a déjà expliqué qu’il n’y aura pas de rallonge budgétaire car c’est trop compliqué. Ça commence mal. Cela signifie donc qu’il n’y aura pas d’extension du nombre de boursiers. Et on n’est pas sûrs que le sujet des étudiants étrangers qui sont très précarisés, car ils ne peuvent pas toujours travailler à cause de leur titre de séjour et n’ont pas accès au système d’aide sociale, soit même abordé... », commente encore la présidente de l’Unef, sans illusion sur l’issue des échanges.