Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Les mots sont importants
La prison, ou le non-droit au cœur du droit
Pierre Tevanian, Le ministère de la peur. Réflexions sur le nouvel ordre sécuritaire, paru aux éditions L’esprit frappeur en 2004.
Article mis en ligne le 12 octobre 2015

À l’heure où la grande presse s’indigne unanimement contre la « violence » exercée par des salariés menacés de licenciement contre un DRH d’Air France, il n’est pas inutile de revenir sur le sens même de ces trois mots qui ne « font l’agenda » que lorsqu’il s’agit de stigmatiser et réprimer des opprimés : violence, insécurité, ou encore délinquance...

Si les mots « zone de non-droit » ou « zone d’infra-droit » ont un sens, c’est par excellence lorsqu’on parle des prisons. En effet, la prison n’est censée être qu’une privation de liberté ; or, en plus des violences commises par des « matons » (qui peuvent aboutir à des décès qualifiés de « suicides » [1]), sur lesquelles n’existent que les témoignages des détenus, il existe de multiples formes de violence subies au quotidien par les détenus, et qui peuvent être quantifiées de manière plus précise [2]

 sur-occupation (en 1999, 51% des établissements étaient sur-occupés, et le taux d’occupation sur l’ensemble des prisons s’élèvait à 119% ; en avril 2003, il s’élève à 122%, avec des pics à 300% comme dans la prison de Perpignan) ;

 promiscuité et insalubrité des cellules (d’une taille de 5 à 11 mètres carré pour les cellules simples) ;

 accès très partiel aux traitements médicaux et à l’hygiène la plus élémentaire, lenteur des interventions en cas d’urgence (malaises, auto-mutilations, violences entre détenus, tentatives de suicide), aboutissant régulièrement à des décès ;

 non-respect du secret médical, extrême rareté des grâces médicales, y compris pour des détenus en fin de vie ou atteints de maladies graves (la grâce médicale de Maurice Papon, condamné pour complicité de crime contre l’humanité, a été l’exception qui confirme la règle) ;

 mauvaise alimentation ;

 recours routinier à des mesures disciplinaires dégradantes (comme le "mitard") ;

 emploi des détenus à des tâches dérogeant à toutes les normes du droit du travail, et non-accès aux minima sociaux (par exemple : moins d’un euro par heure pour un emploi de contremaître) ;

 insuffisance des parloirs, en quantité et en qualité... (...)