
À l’heure où la grande presse s’indigne unanimement contre la « violence » exercée par des salariés menacés de licenciement contre un DRH d’Air France, il n’est pas inutile de revenir sur le sens même de ces trois mots qui ne « font l’agenda » que lorsqu’il s’agit de stigmatiser et réprimer des opprimés : violence, insécurité, ou encore délinquance...
Si les mots « zone de non-droit » ou « zone d’infra-droit » ont un sens, c’est par excellence lorsqu’on parle des prisons. En effet, la prison n’est censée être qu’une privation de liberté ; or, en plus des violences commises par des « matons » (qui peuvent aboutir à des décès qualifiés de « suicides » [1]), sur lesquelles n’existent que les témoignages des détenus, il existe de multiples formes de violence subies au quotidien par les détenus, et qui peuvent être quantifiées de manière plus précise [2]
– sur-occupation (en 1999, 51% des établissements étaient sur-occupés, et le taux d’occupation sur l’ensemble des prisons s’élèvait à 119% ; en avril 2003, il s’élève à 122%, avec des pics à 300% comme dans la prison de Perpignan) ;
– promiscuité et insalubrité des cellules (d’une taille de 5 à 11 mètres carré pour les cellules simples) ;
– accès très partiel aux traitements médicaux et à l’hygiène la plus élémentaire, lenteur des interventions en cas d’urgence (malaises, auto-mutilations, violences entre détenus, tentatives de suicide), aboutissant régulièrement à des décès ;
– non-respect du secret médical, extrême rareté des grâces médicales, y compris pour des détenus en fin de vie ou atteints de maladies graves (la grâce médicale de Maurice Papon, condamné pour complicité de crime contre l’humanité, a été l’exception qui confirme la règle) ;
– mauvaise alimentation ;
– recours routinier à des mesures disciplinaires dégradantes (comme le "mitard") ;
– emploi des détenus à des tâches dérogeant à toutes les normes du droit du travail, et non-accès aux minima sociaux (par exemple : moins d’un euro par heure pour un emploi de contremaître) ;
– insuffisance des parloirs, en quantité et en qualité... (...)