Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Mediapart
Prison de haute sécurité en Guyane : Gérald Darmanin remet au goût du jour la relégation pénale du temps du bagne
#Darmanin #Guyane #prisons #colonialisme
Article mis en ligne le 21 mai 2025
dernière modification le 19 mai 2025

Le ministre de la justice annonce la création au sein de la future prison de Saint-Laurent-du-Maroni d’un quartier de haute sécurité dédié aux « profils les plus dangereux du narcotrafic » et à des détenus radicalisés. Une annonce critiquée par le Mouvement de décolonisation et d’émancipation sociale (MDES), qui dénonce une « vision colonialiste et raciste » de la Guyane.

Le garde des Sceaux, qui a fait de la lutte contre le trafic de drogue sa priorité, souhaite que cette prison de haute sécurité, la troisième de France après celles annoncées à Vendin-le-Vieil et Condé-sur-Sarthe, « serve à éloigner durablement les têtes de réseau du narcotrafic » dans la mesure où « ils ne pourront plus avoir aucun contact avec leurs filières criminelles ». (...)

Ces annonces chocs ont été faites hier (17 mai) à l’occasion du premier jour d’un déplacement de 72 heures en Guyane du ministre de la justice. Ce dernier n’a pas pris la peine de les communiquer lors d’un point presse à destination de l’ensemble des médias, mais a choisi de faire ces annonces via un unique organe de presse : le Journal du dimanche, hebdomadaire qui appartient depuis son rachat en 2023 à la galaxie des médias du milliardaire d’extrême droite Vincent Bolloré, également propriétaire de la très réactionnaire chaîne CNews.

Déjà, en avril, c’est via le JDD que Gérald Darmanin avait annoncé vouloir faire participer les détenus à leurs frais de détention. Plus qu’une collaboration, ces nouvelles annonces sur la Guyane participent à un plan de communication savamment orchestré qui permet au garde des Sceaux de chasser sur les terres de la droite radicale et de l’extrême droite, alors que les prises de position démagogiques sur l’éloignement des détenus ou des personnes sous OQTF reviennent régulièrement dans le débat politique.

C’est donc avec stupeur et indignation que les élus de la Collectivité ont découvert, en même temps que toute la population de Guyane, les éléments détaillés dans le “Journal du dimanche”. L’exécutif guyanais

(...)

« Cet espace n’est pas le lieu où nous devons faire revenir des prisonniers déportés dans l’Ouest. Cette page de l’histoire est tournée et j’espère qu’elle ne reviendra pas », a pour sa part déclaré Sophie Charles, maire de Saint-Laurent, dans un discours capté par nos confrères de Guyane la 1ère.

Par voie de communiqué, la sénatrice Marie-Laure Phinéra-Horth a également fait part de sa « consternation » face aux annonces du ministre et à l’absence de « concertation avec les élus guyanais » dans ce dossier. « Je refuse qu’on efface notre histoire et nos besoins en infrastructures essentielles – santé, éducation et emploi – pour leur substituer une prison », estime l’élue.
Contre-vérités

Car en annonçant la création d’un quartier de haute sécurité dans l’ancienne « capitale du bagne », Gérald Darmanin fait en effet écho à une page sombre de l’histoire coloniale de la Guyane, qui fut une colonie pénitentiaire de 1850 à 1938. Le garde des Sceaux remet au goût du jour la relégation pénale du temps du bagne. De plus, ces annonces sont enrobées de clichés sur la Guyane dans l’article du JDD, qui ne s’embarrasse pas de la précision des informations que les lecteurs et les lectrices sont en droit d’attendre de la part des journalistes.

En effet, l’article de samedi du JDD évoque une « forteresse isolée au cœur de la jungle amazonienne » et attribue à Gérald Darmanin la création d’une nouvelle prison de 500 places pour un budget de 400 millions d’euros. Or, la création de cet établissement pénitentiaire, de 495 places précisément, est actée depuis des années… précisément depuis l’accord de Guyane signé en 2017 !

Les travaux de la prison doivent d’ailleurs débuter à la saison sèche 2025, et ils seront menés par la multinationale italienne Pizzarotti, qui a remporté l’appel d’offres de l’Agence publique pour l’immobilier de la justice (APIJ), comme annoncé sur Guyaweb il y a presque un an.

De surcroît, cette prison ne sera pas uniquement accessible par pirogue ou par avion, comme le dépeint « l’article » du JDD, mais sera érigée à l’entrée de Saint-Laurent-du-Maroni, au carrefour Margot. On est donc loin de la « forteresse isolée au cœur de la jungle amazonienne » qui fait fantasmer le journaliste du JDD. (...)