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Reporterre
La réforme de l’assurance chômage va « hacher menu » les précaires
Article mis en ligne le 9 novembre 2019
dernière modification le 8 novembre 2019

La réforme des règles de l’assurance-chômage est entrée en vigueur le 1er novembre. « Reporterre » a rencontré un berger, une journaliste pigiste et une professeure remplaçante. Précarisés, ils racontent comment la réforme va alourdir leur quotidien.

Certaines professions importantes à l’économie sont saisonnières et peuvent dépendre des allocations chômage pour subsister le reste de l’année. Michel Didier, berger et médecin vétérinaire, est le fondateur du premier syndicat des gardiens de troupeaux de l’Isère. « Les bergers sont employés par des groupes pastoraux et ont une activité intermittente sur l’année, ce qui fait qu’ils devraient être en CDI. C’est ce que j’ai fait valoir en cours d’appel à Grenoble en 2013 », dit-il. Le type de contrats demeurant inchangé pour la profession, « la plupart des bergers comptent sur le chômage à la fin de leurs contrats, sans nécessairement chercher un travail à droite à gauche », et ce « malgré cette précarité ».

« Les bergers risquent de prendre dans les dents la réforme des règles de l’assurance chômage, cela va rajouter une précarité au fait qu’ils travaillent déjà avec des salaires peu élevés, trois ou quatre mois dans l’année. » Michel parvient tant bien que mal à jongler entre ses deux métiers de berger et vétérinaire. Ce n’est pas le cas de la majorité des bergers, qui comptaient sur les allocations chômage pour le reste de l’année.

C’est le cas de Leila, dit-elle à Reporterre. Jusqu’à aujourd’hui, elle était sous « contrat d’alpage sur cinq mois et demi de l’année et bénéficiait le reste du temps de l’allocation chômage, ce qui m’a permis de sauver un peu d’argent pour un achat immobilier ». La réforme va rendre ses conditions économiques plus difficiles, même si elle tente de la relativiser : « Peut-être qu’on va aller davantage vers le CDI, ou des CDI intermittents sur l’année », à condition que les groupes pastoraux adaptent leurs contrats en fonction des nouvelles conditions imposées par la réforme. Sinon, elle sera contrainte de chercher d’autres sources de revenus après sa saison d’activité. (...)

« Les allocations compensaient le peu que l’on gagne avec nos articles »

Violette Voldoire est « chômeuse indemnisée depuis deux ans » tout en travaillant pour le média Radio Parleur. Une indemnisation faible car « elle se calcule encore à partir de mes années d’alternance [peu rémunérées]. Mais je devrais être embauchée d’ici la fin de l’année », se rassure-t-elle. Elle a aussi été pigiste par le passé, notamment pour France Culture et RMC. (...)

Un journaliste pigiste décrit cet « enfer qui vient » dans une tribune. Publier une pige tout en touchant les allocations entraînera désormais la perte des droits à ces allocations – ce qu’il qualifie de « suicide économique ».

Il faudrait, selon Violette, une « simplification administrative des différents statuts ».« Aujourd’hui, je suis auto-entrepreneure et chômeuse. J’ai été payée en droits d’auteurs, j’ai été payée en tant qu’intermittente du spectacle quand je travaillais à Radio France, j’ai été rémunérée en salaire – j’ai cotisé dans toutes les caisses possibles et imaginables... » Mais la réforme des règles de l’assurance chômage risque « de complexifier encore les règles de calcul, en ajoutant une règle supplémentaire, qui va niveler par le bas ».
Prof remplaçante, les allocations me permettaient de m’engager politiquement de façon bénévole (...)

La réforme illustre l’idéologie néolibérale qui « continue à favoriser et rémunérer la fabrication d’armes, de déchets radioactifs ou le rasage d’une forêt, parce que ce sont des activités qui font augmenter le PIB et sont considérées comme étant dignes et donc sont valorisées par le gouvernement ». À l’inverse, on refuse « de rémunérer ou du moins d’accorder une dignité aux activités comme l’aide aux sans-abris, aux exilés, planter un potager ou s’investir dans la culture », alors qu’elles sont aussi « créatrices d’une valeur ». « Au lieu de complètement aliéner le travail sur l’emploi », le gouvernement devrait considérer que « d’autres formes de travail existent ».