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Jean-Marie Harribey pour Alternatives Economiques
La sociologie de café du commerce
Article mis en ligne le 27 décembre 2016
dernière modification le 19 décembre 2016

Les classes moyennes sont à la dérive, entend-on et lit-on partout. Et ce serait la cause de l’affaiblissement de la démocratie. Mais a-t-on défini quelque part ces classes moyennes ? Rappelons d’abord le rôle joué par ce concept dans la sociologie : il fut utilisé pour nier le concept de classes sociales définies par le rapport qu’elles entretiennent dans l’organisation socio-économique ; en somme, pour nier que le rapport principal oppose le prolétariat salarié au capital. En soi, classe moyenne au singulier ou classes moyennes au pluriel n’ont aucun sens : définir une classe isolément, sans rapport social, est un non-sens.

(...) le clivage le plus important est celui qui oppose les propriétaires des moyens de production, qui ont la possibilité d’acheter de la force de travail, aux non-propriétaires. Certes, Weber distinguait aussi des groupes de statut qui dépendaient du prestige social ou du rapport au pouvoir. Même si chaque ordre, économique, social ou politique, fonctionne selon une logique propre, les trois types d’échelle ne sont pas cependant sans rapports, selon Weber, car la fortune économique permet d’acquérir du prestige et du pouvoir, et le pouvoir permet de s’enrichir et de gagner du prestige.

Tous moyens !

Le sociologue Louis Chauvel écrit dans Le Monde du 13 décembre 2016 que « depuis les années 1950, les pays occidentaux développés ont constitué une “civilisation de classes moyennes” (Alexandre Koyré, 1954), qui repose sur sept piliers complémentaires dont nous voyons aujourd’hui le délitement. Nous avons en premier lieu le salariat stable, homogène, ultra-majoritaire. » Le tour de passe-passe commence là.

Si vous êtes salarié, c’est que vous appartenez à la classe moyenne. Finie la définition du salarié comme lié par un contrat à un entrepreneur capitaliste. Il n’y a même plus de classe(s) populaire(s) dans cette conception. Même payé au SMIC, vous n’êtes plus prolétaire. (...)

Avec le SMIC, on est moyen, au seuil de pauvreté aussi !

Les politiciens ne sont pas en reste. Dans le cadre du projet de loi de finances 2017, le gouvernement français a décidé de baisser l’impôt sur le revenu pour environ 5 millions de contribuables. Il faudra donc déjà payer un impôt sur le revenu. Et, dit le gouvernement, ce sera à l’avantage des classes moyennes. Qui sont ces ménages selon le gouvernement ? Ceux dont le revenu fiscal de référence sera inférieur à 18 500 euros par an, c’est-à-dire 1542 euros par mois : un SMIC amélioré pour une personne seule ou pour un ménage dans lequel ne travaille qu’une personne ; et une fois et demie le seuil de pauvreté (1000 euros[2]) pour deux personnes.

Au final, les classes populaires ne regrouperaient que les exclus, les indigents et ceux qui ont des revenus inférieurs au dit seuil de pauvreté (...)

Résumé : sociologie bien-pensante + politique néolibérale = idéologie pour masquer les rapports de classes = le café du commerce pour gogos