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Mediapart
Le Djihad islamique, fer de lance de l’affrontement avec Israël
#palestine #israel #Djihadislamique
Article mis en ligne le 13 mars 2023
dernière modification le 12 mars 2023

Trois militants du Djihad islamique ont été tués par un commando israélien, jeudi 9 mars, au sud de Jénine. Et le mouvement s’est ensuite « félicité » de l’attentat ayant touché Tel-Aviv quelques heures après. Derniers épisodes en date d’un affrontement accru entre Israël et une organisation armée qui a le vent en poupe, à Gaza mais aussi en Cisjordanie.

Bande de Gaza, Jénine.– Depuis deux jours, des dizaines de jeunes gens, presque andtoujours barbus et souvent très baraqués, défilent sans interruption dans le salon de réception de Nafez Azzam afin de féliciter ce dernier de sa reconduction, pour un mandat de quatre ans, au bureau politique du Mouvement du Djihad islamique palestinien (MJIP). (...)

Le Djihad islamique a en effet participé à certaines des attaques les plus sanglantes contre les civils et les militaires israéliens, notamment l’attentat d’août 2003 ayant tué 21 personnes dans un bus de Jérusalem ou celui commis dans un restaurant de Haïfa, en octobre de la même année, dont l’explosion avait fait 22 morts et plus d’une soixantaine de blessés. Pendant « l’Intifada des couteaux » de 2015, il a notamment revendiqué l’attaque menée dans la vieille ville de Jérusalem ayant tué un soldat israélien de 23 ans et blessé sa femme et son enfant de 2 ans.

Jeudi 9 mars, trois de ses militants armés ont été éliminés par un commando israélien au sud de Jénine et le mouvement s’est félicité, quelques heures plus tard, de la fusillade ayant fait un mort et plusieurs blessés dans le quartier de Dizengoff, haut lieu de la vie noctambule de Tel-Aviv. Depuis des mois, et notamment la dernière « guerre de Gaza » en août 2022 dans laquelle le Hamas n’était pas impliqué, la tension entre Israël et l’organisation armée est de nouveau à son comble, puisque même lorsque les attaques palestiniennes sont commises par des groupes autonomes comme les « Brigades de Jénine » ou le « Repaire des lions » à Naplouse, le Djihad islamique assume être à l’origine de l’armement, voire de la coordination de ces petits groupes. (...)

Pourquoi avoir fondé une nouvelle organisation de résistance palestinienne voilà quelques décennies alors que l’OLP (Organisation de libération de la Palestine) et le Fatah menaient déjà le combat ? « Nous respectons le Fatah pour sa lutte contre Israël, mais il manquait un socle islamique à ce parti où l’on pouvait trouver aussi bien des religieux que des marxistes, répond-il. Cela explique que le Fatah, qui revendiquait à l’origine, comme nous, l’ensemble de la Palestine, du Jourdain à la Méditerranée, ait plus tard reconnu Israël. Quand on a l’islam comme socle, on est à l’abri de ce genre de palinodies. » Ces « palinodies » désignent, pour le Djihad islamique, tout compromis politique qui laisserait subsister ne serait-ce qu’une partie de l’État d’Israël.

Depuis, le Djihad islamique est devenu la deuxième faction politico-militaire dans la bande de Gaza. Nafez Azzam affirme entretenir de bonnes relations avec le Hamas, le mouvement islamiste qui règne sans partage sur ce territoire depuis 2007. (...)

Si cette organisation est particulièrement visée par les Israéliens, c’est aussi parce qu’elle est soutenue par l’Iran, l’ennemi juré de l’État hébreu. Depuis le refroidissement des relations entre le régime des mollahs et le Hamas en raison du soutien de ce dernier à la révolution syrienne, le Djihad islamique bénéficie des largesses financières de Téhéran. (...)

Le parallèle entre les Juifs et les nazis fait partie de la vulgate du Djihad islamique. Et la rhétorique sur le fait que la résistance palestinienne finira bien par triompher semble se heurter à la réalité du terrain. (...)

« Notre formation mène de front l’entraînement militaire et la formation religieuse et idéologique. » Abu Walid, cadre du Djihad islamique (...)

Le Hamas et le Djihad islamique sont réunis depuis 2018 dans une « chambre commune des opérations » qui décide de la stratégie militaire à adopter face à l’État hébreu. Et si les deux factions entretiennent la plupart du temps « une bonne relation de travail », dixit Nafez Azzam, son organisation a la réputation d’aller plus rapidement à l’affrontement avec Israël. (...)

Les roquettes du Djihad islamique, si elles sont plus réactives que celles du Hamas, ont aussi la réputation d’être moins précises, moins nombreuses mais surtout moins puissantes.

Au cours de la dernière escalade entre le Djihad islamique et l’armée israélienne en août 2022, « 50 % des roquettes n’ont même pas franchi la frontière et elles ont tué plusieurs Gazaouis », s’agace ainsi Ezzat Abu Nasser, un enseignant retraité qui vit en face d’une mosquée du Djihad islamique située à deux pas du camp de réfugiés de Jabaliya, dans le nord de la bande de Gaza. (...)

« Je n’apprécie pas ce que fait le Djihad à Gaza, maintient toutefois Ezzat Abu Nasser. Ici, nous n’avons ni le pain ni la paix, et le Djihad islamique ne fait qu’ajouter aux divisions en poussant à l’affrontement, alors qu’ils n’en ont pas véritablement les moyens, contrairement au Hamas. »« Je n’apprécie pas ce que fait le Djihad à Gaza, maintient toutefois Ezzat Abu Nasser. Ici, nous n’avons ni le pain ni la paix, et le Djihad islamique ne fait qu’ajouter aux divisions en poussant à l’affrontement, alors qu’ils n’en ont pas véritablement les moyens, contrairement au Hamas. » (...)

En écho à une population largement fatiguée par les guerres et les escalades à répétition qui laissent à chaque fois la bande de Gaza exsangue, Abu Moaz est lassé par les affrontements récurrents avec Israël lancés le plus souvent par le Djihad islamique ces derniers temps : « Il prend trop de risques et c’est nous qui subissons les conséquences des roquettes lancées contre Israël, qui ne changent pas la situation dans laquelle nous nous trouvons. » (...)

Avec un taux de chômage qui culmine à plus de 50 % et une population qui dépend à 80 % de l’aide humanitaire, la bande de Gaza bat de tristes records.

Il n’empêche que la dynamique actuelle semble profiter au Djihad islamique, pour différentes raisons. (...)

Alors que les Palestiniens vivent écartelés entre la Cisjordanie, sur laquelle l’Autorité palestinienne contrôlée par le Fatah est théoriquement souveraine dans les zones A et B qui couvrent 40 % du territoire, et la bande de Gaza dirigée par le Hamas, le Djihad islamique bénéficie du fait d’être bien implanté aussi bien dans son bastion historique que dans les villes de Naplouse ou de Jénine, au nord de la Cisjordanie. (...)