
Christophe Deltombe, président de l’association d’aide aux migrants qui intervient au sein du plus grand CRA de France, tire la sonnette d’alarme sur les conditions de traitement des retenus.
Présente dans neuf CRA sur les vingt-cinq que compte le pays, l’association d’aide aux migrants et aux réfugiés en a claqué la porte le 11 juillet. Leur retour, prévue en ce dernier jour de juillet, reste hypothétique. (...)
Violences, tentatives de suicides, mises à isolement : les salariés de la Cimade dénoncent un climat de défiance inédit entre les quelque 200 retenus et les agents de la police aux frontières (PAF)*.
Christophe Deltombe, le président de la Cimade, tire la sonnette d’alarme. (...)
Depuis quelques mois, les relations avec la PAF se sont dégradées. Certains policiers ne jouent pas le jeu, manquent de zèle. On a constaté un dénigrement du travail de la Cimade auprès des retenus et une lenteur pour nous fournir des documents demandés. Notre mission est de plus en plus difficile. Elle n’est pourtant pas inutile car quatre retenus sur dix sont finalement remis en liberté.
Comment expliquez-vous ce climat de défiance ?
Depuis septembre 2018 et la loi Asile et immigration, la durée maximale d’enfermement en centre de rétention est passée de 45 à 90 jours. La plupart des gens expulsés le sont pourtant dans les quinze jours. Au-delà de ce délai, le pays sollicité n’accordera pas de laissez-passer consulaire (NDLR : document indispensable à la reconduite à la frontière). Cette durée de 90 jours constitue aussi une inconnue stressante pour les personnes retenues. D’autant plus quand certaines présentent des troubles psychiques et ne devraient même pas être là ! (...)
Plus globalement, on constate une politique générale de l’enfermement, avec donc des personnes indûment retenues. Pourquoi les enfermer si l’on sait qu’on ne peut pas les expulser ? C’est une politique qui manque d’humanité. Le dispositif médical dont bénéficient les retenus est aussi à revoir car beaucoup trop léger. La circulaire qui s’y rapporte date de 1999. À l’époque, la durée maximale de rétention était de neuf jours. (...)
Alertés par le départ de la Cimade, trois sénateurs socialistes ont exercé le 23 juillet leur droit de visite au centre de rétention administrative (CRA), près de Roissy.
« La Cimade est une association qui a pignon sur rue, observe l’un d’eux, le sénateur de Seine-et-Marne Vincent Eblé. S’ils ont quitté les lieux, c’est qu’il devait y avoir une raison. »
Les parlementaires ont pu visiter les deux centres et rencontrer des retenus. « Nous avons eu accès à toutes les zones que nous voulions voir, assure Yves Daudigny. Nous n’avons pas noté de volonté de brimade ou de mépris de la part des policiers. » (...)
Le sénateur de l’Aisne évoque toutefois un triple sentiment, « de malaise », « d’indignation » et « de compassion ». « Comment peut-on vivre 90 jours dans ces conditions, avec le bruit des avions en permanence ? », s’interroge-t-il.
Dans le centre accueillant uniquement des hommes, Yves Daudigny décrit « des locaux indignes aux conditions de vie humaine ».
À l’issue de leur visite, les trois sénateurs socialistes ont écrit un courrier à Christophe Castaner, le ministre de l’Intérieur. Ils y critiquent l’allongement de la durée maximale de rétention et plaident pour « une visite médicale systématique » lors de l’arrivée des retenus.