
Le biomimétisme connait un regain d’intérêt grâce au talent pédagogique d’Idriss Aberkane. Mais cette direction technique n’a de sens que si elle reste dans les principes du vivant plutôt qu’à maintenir le système industriel actuel.
Les poissons à hélice, ça n’existe pas. Partant de cette simple constatation, Jean-Baptiste Drevet a conçu en 2013 une nouvelle façon de produire de l’électricité à partir des courants marins. Pour cela, il a fabriqué une membrane qui suit le mouvement ondulatoire de la raie, portée par les courants. Il n’a pas copié, mais il a observé, tiré les principes, et innové. Voilà ce qu’est le biomimétisme. Un truc qui rend les inventions beaucoup plus durables, efficaces, efficientes, et dans ce cas, sans risque pour les poissons ou les cétacés .
L’exercice de s’inspirer de la nature n’est pas nouveau —il remonte à l’Antiquité, et passe par la Renaissance— mais il a pris de l’envergure dans les années 1990 , où il a permis d’apporter une réponse potentiellement radicale aux agressions de notre civilisation industrielle. Côté grand public, cette posture rencontre un succès grandissant . Côté université, malgré les réticences de quelques vieux professeurs, des étudiants n’ont cessé de le réclamer comme nouvelle discipline. Mais côté industrie, c’est la déception. Malgré le foisonnement d’idées originales, peu d’innovations significatives ont vu le jour : elles sont jugées trop radicales car elles rendent obsolètes les technologies précédentes, ce qui représente un risque économique trop important pour la plupart des industriels.
Une vidéo d’Idriss Aberkane, en faisant le buzz sur les réseaux sociaux, a ramené les projecteurs sur le biomimétisme (...)
Il faut se rendre à l’évidence, le biomimétisme industriel high-tech ne va pas suffire. Bien au contraire. Il précipite l’effondrement de notre société en nourrissant le tourbillon de croissance, d’agitation et de pollutions.
Le biomimétisme qui est proposé dans le livre Le Vivant pour modèle (de Gauthier Chapelle & Michèle Decoust) va bien au-delà de ces fantasmes techno-béats. Il invite à s’inspirer d’un maximum de principes du vivant simultanément (pas seulement un seul à la fois), et d’aller vers de l’innovation des modes d’organisation (pas seulement des matériaux). Vivre grâce à ces principes n’est pas une lubie passagère de bobos en mal d’inspiration, c’est un moyen d’apprendre à nous « réinsérer gracieusement dans la biosphère ». Traduction pour les cyniques : c’est un moyen de survivre. (...)
Il est beaucoup trop tard pour faire de l’innovation « sparadrap » ou pour repeindre la mégamachine en vert . On la voit aujourd’hui toussoter, crachant ses dernières fumées avant son extinction. Au passage, elle aura été à l’origine d’un bouleversement brutal du climat et de l’une des plus grandes crises d’extinction que la Terre ait connue. En bref, elle est incapable de survivre sur notre planète.
Le biomimétisme qui nous inspire (celui du 21e siècle !) n’a pour autre but que de nous préparer à la sortie totale et définitive des combustibles fossiles et nucléaires, c’est-à-dire à nous faire revenir dans le cadre bien délimité des principes du vivant, duquel la modernité et l’industrialisme nous ont fait sortir. (...)