
« La France », dit un jour Michel Rocard, « ne peut accueillir toute la misère du monde, mais elle doit en prendre sa part ».
S’il est une « misère du monde » dont la France devrait « prendre sa part », c’est bien le calvaire des Roms en France. Ils sont à nouveau dans le collimateur des autorités qui ont entrepris de démanteler leurs campements et de les expulser du territoire malgré l’opposition des associations. Celles-ci ont tout de même été reçues à Matignon dans le cadre de la réunion interministérielle du 22 août. Quelques mesures ont été adoptées mais on en est encore très loin du règlement sur le fond de la question des Roms, une population marginalisée, discriminées et victime de clichés défavorables d’un bout à l’autre de l’Europe. (...)
Les « Roms » (homme adulte en langue romani) sont une population de 10 à 12 millions de personnes répandue sur l’ensemble du Continent. En France, ils sont entre 400 mille et 600 mille et portent l’appellation administrative de « gens du voyage » par référence à leur mode de vie itinérant, même si la majorité mène une vie sédentaire. Ils sont Sintés, Manouches, Kalés/Gitans. Ils sont français, mais doivent endurer des traitements discriminatoires (titre de circulation à faire viser par la gendarmerie, difficultés de stationnement et d’accès à l’habitat,...). Ils ne sont pas toutefois les plus à plaindre.
Ce sont plutôt les Roms originaires des pays de l’Est (Roumanie et Bulgarie), environ 15 mille individus en France, qui sont la cible des mesures administratives et policières contestables allant des démantèlements des campements qui leur font parfois tout perdre aux expulsions en masse sous couvert de l’aide volontaire au retour, sachant qu’ils reviennent en France quelques semaines plus tard. (...)
Sur le plan opérationnel, le gouvernement devrait dans un premier temps suspendre les opérations de démantèlement des campements, sauf cas exceptionnels. Il devrait ensuite engager un programme d’intégration ciblé. L’objectif doit être de parvenir à sortir les familles une à une de cet environnement délétère, les accompagner sur le parcours d’accès à l’emploi et à un logement décent, permettant notamment aux enfants de suivre une scolarité stable. En effet, si on veut sauver durablement cette population, c’est sur ses enfants qu’il faudrait miser.
Reste la question politique du risque d’un appel d’air et celle du financement d’un tel programme en période de crise. Sur l’appel d’air, les pays comme l’Espagne et l’Italie, qui avaient supprimé les mesures de restriction, n’ont pas subi de vagues d’immigration particulières. Quant au financement, tout le poids ne devrait pas reposer sur la France. L’UE verse 2,5 milliards d’euro à la Roumanie et à la Bulgarie pour qu’elles s’occupent de leur population. Ce financement n’est pas utilisé à bon escient. (...)